Compte tenu de la crise sanitaire mondiale actuelle, la période est difficile, en particulier pour les baux commerciaux qui ont été le terrain de franches oppositions entre les tenants du maintien des loyers commerciaux pendant les moments de confinement, de période juridiquement protégée et d'état d'urgence, et ceux estimant, à l'inverse, que les loyers devaient être annulés, ou du moins différés dans le temps.
Le tribunal judiciaire de Paris a tranché en faveur du maintien des loyers, dans un jugement du 10 juillet 2020, date symbolique qui marque la fin de l'état d'urgence (TJ Paris, 18e chambre civile, 10 juillet 2020, RG n° 20/04516).
D'abord, pourquoi et aux termes de quelle motivation le tribunal judiciaire de Paris a-t-il estimé que les loyers étaient dus pendant la période de fermeture administrative ? Ensuite, cette solution est-elle généralisable et trouverait-elle éventuellement à s'appliquer en cas de reconfinement ?
En l'espèce, et pour reprendre le communiqué qui accompagne ledit jugement, « le tribunal judiciaire de Paris était saisi de la question de savoir si un restaurateur, qui n'a pas pu ouvrir au public son commerce du fait des mesures prises pour éviter la propagation du virus Sars-Cov-2, était redevable envers son bailleur des loyers et charges échus entre le 14 mars et le 23 juin 2020, période de fermeture des cafés - restaurants ».
Après avoir proposé de modifier la périodicité du paiement des loyers (pour passer d'un paiement par trimestre d'avance à un paiement mensuel à échoir) ainsi que des délais de paiement, le preneur, eu égard aux faits de l'affaire, a refusé toutes les propositions du bailleur. Ce dernier a en conséquence demandé le paiement intégral du loyer du 2e trimestre 2020, par voie de compensation avec une somme qu'il devait au locataire.
Le preneur s'est de nouveau opposé à cette proposition, en soutenant que la fermeture administrative de son commerce était de nature à le décharger de son obligation de paiement des loyers et en affirmant que l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 avait suspendu l'exigibilité du paiement des loyers de cette période dite juridiquement protégée. Cet article 4, modifié à plusieurs reprises, n'a jamais envisagé la suspension voire l'annulation des loyers commerciaux. Ce texte prévoyait seulement, dans des termes un peu différents de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316, « d'interdire », relève le tribunal de Paris, seulement ajoutons-nous, « l'exercice par le créancier d'un certain nombre de voies d'exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 ».
Un cas particulier
Par conséquent, le juge considère que le preneur doit payer les loyers dus, d'autant plus que, non seulement, le locataire ne s'était prévalu ni d'un cas de force majeure ni d'un manquement du bailleur à ses obligations, mais encore que les contrats doivent être exécutés de bonne foi et que « les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives ». Le preneur devait s'acquitter intégralement du loyer du 2e trimestre.
On le voit, la solution a été prise dans un cas particulier, dans une hypothèse de bailleur de bonne foi alors que, visiblement, le preneur était de mauvaise foi et n'avait pas invoqué les bons arguments.
Il paraît dans ces conditions très hasardeux de généraliser la solution à tous les contentieux ayant déjà pris naissance ou qui naîtront sur le paiement des loyers commerciaux relatifs à la crise sanitaire.
Il n'est donc pas étonnant que n'ait pas prospéré la thèse selon laquelle l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 prévoyait la suspension de l'exigibilité des loyers, non plus celle selon laquelle la fermeture administrative est synonyme de droit pour le preneur de ne plus payer ses loyers. Les textes n'ont jamais prévu cela. Mais il ne serait pas étonnant non plus que, dans d'autres circonstances et avec d'autres arguments, un juge saisi n'adopte pas la même solution.
En cas de reconfinement ou de seconde vague, la décision du tribunal judiciaire de Paris du 10 juillet 2020 ne serait pas plus généralisable.