Les Nouvelles Publications : La concertation publique lancée entre le 19 septembre et le 21 novembre 2022 s’était achevée à Gardanne sur une réunion tendue avec la population. Vous aviez promis d’entendre les remarques effectuées. Vous continuez le projet mais sous une autre forme. Pourquoi ?
Cyril Dufau-Sansot : Notre postulat de base, au moment du lancement du processus de concertation publique, était de voir les éléments déterminants pour le territoire et les arguments à en tirer pour obtenir l’acceptation sociale la plus large possible pour notre projet. Dans toutes les réunions et avis, le fait de prévoir une usine classée Seveso seuil bas est apparu comme un point bloquant pour les habitants comme pour des collectivités et autorités publiques. A nos yeux, ce classement nous paraissait un gage de sérieux et une garantie que la réalisation se ferait dans des règles de protection strictes. Mais la population l’a jugé inacceptable. Si nous voulions avancer, il fallait sortir de ce cadre et rassurer.
Nous avons tiré d’autres enseignements sur les besoins en biomasse, eau et électricité. Le classement Seveso reposait sur la production et le stockage de méthanol sur le site. Nous avons discuté avec nos clients du transport maritime. Il s’est avéré que nous pourrions les approvisionner par d’autres unités ailleurs qu’en France. Nous avons donc décidé de nous focaliser sur le carburant aviation (SAF) car la demande est énorme du côté de l’aéroport. En produisant uniquement du SAF, nous sortons du Seveso et nous pouvons réduire la voilure sur les quantités de matières premières, l’emprise foncière, les investissements…
En nous appuyant sur l’expérience de nos autres sites en Europe, nous envisageons aussi un changement de technologie en optant pour un procédé par fermentation qui permet de diversifier les ressources de biomasse, en allant plus vers l’utilisation de résidus d’exploitation forestière, de matières végétales non-alimentaires comme les ceps de vigne ou les grignons d’olives… Cette technologie a besoin de dix fois moins d’hydrogène, donc dix fois moins d’eau et d’électricité. Des opposants nous reprochaient de vouloir bâtir une raffinerie. Le projet s’apparente plus désormais à une distillerie semblable à celles qui font du rhum dans les Antilles avec de la canne à sucre fermentée puis distillée. Là, nous prendrons ces résidus, nous les ferons fermenter et nous les distillerons.
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Cette modification sensible du projet peut-elle suffire à rassurer ?
Nous conservons la finalité du projet qui consiste à contribuer à la décarbonation des transports en fournissant des carburants renouvelables de synthèse. La façon de le faire évolue effectivement. Il y a eu des incompréhensions sur le sens de notre démarche dans la concertation préalable. Nous ne disposions pas de toutes les études parce que nous voulions justement nous mettre à l’écoute du territoire et relever les points bloquants. La conséquence a été que nous avons arrêté les études lancées sur le projet initial et nous avons relancé des études sur cette nouvelle configuration. L’opportunité du projet reste confirmée. Nous reviendrons apporter les réponses que la population n’avait pas eues en concertation préalable dans la concertation complémentaire, entre le printemps et l’automne 2023 jusqu’à l’enquête publique. La Commission Nationale du Débat Public (CNDP) nommera probablement un nouveau garant. Nous fournirons tous les éléments concrets et informations précises en termes d’impacts, de risques, de dangers…
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En quoi ces transformations impactent-elles le calendrier et l’ampleur du projet ?
Le montant de l’investissement variera de 250 à 280 millions d’euros* et le calendrier se décale de six à huit mois, ce qui reste acceptable. Le modèle d’affaires reste sur un projet rentable et pas trop gourmand en fonds publics, au vu des programmes de subvention qui se mettent en place pour favoriser les filières de production de carburants renouvelables. Des annonces gouvernementales devraient être formulées par le gouvernement d’ici juillet, nous espérons entrer dans ce cadre-là. L’avantage pour le territoire est que le nombre d’emplois promis ne sera pas, lui, diminué. Nous étudions aussi avec l’Etat et SNCF Fret l’approvisionnement par voie ferrée pour atténuer l’impact logistique. Avec Gazel Energie, nous travaillons sur l’emprise foncière, la répartition des équipements sur les zones potentielles, pour les éloigner au mieux des habitations.
Enfin, nous changerons dans les semaines qui viennent le nom du projet. Il ne s’appellera plus "Hynovera" pour éviter tout risque de confusion, compte tenu des modifications substantielles apportées au dossier initial. Tous ces changements résultent vraiment des réflexions issues de la concertation publique, ils n’avaient pas été envisagés à un moment ou un autre dans la préparation du projet.
* L’investissement initial était de 460 millions d’euros. La mise en service est désormais prévue au 2e semestre 2028 pour une construction entre 2025 et 2028 et 200 emplois directs et indirects à terme.