Les Nouvelles Publications : Quel est l’historique du festival Les Femmes s’en mêlent ?
Lionel Spiga : Ce festival de musique existe depuis 1997. Il met en avant des artistes internationales uniquement féminines. Donc bien avant les débats sur la parité ! J’ai collaboré à Marseille avec le festival entre 2004 et 2010. Ce festival essaime dans d’autres villes de France, comme Nantes, Rennes ou Toulouse. Il y a quelques mois, à la faveur d’un contact artistique, j’apprends que cet événement existe toujours. Je l’ai contacté pour savoir si l’équipe était intéressée pour faire revenir l’événement à Marseille. Les choses se sont faites assez vite et naturellement.
Quel est le fil rouge de la programmation, hormis le fait que ce soit uniquement porté par des femmes ?
Comme pour notre travail avec l’association Amam, l’idée est de mettre en avant des musiques actuelles, avec souvent une faible visibilité. Ce que l’on appelle communément la musique indépendante. Mais au-delà de ça, ce festival porte un message plus "politique", en direction des femmes.
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Justement, qu’est-ce qui change entre le début des années 2000 et 2023, par rapport à la place des femmes dans la culture ?
Rien ne change vraiment. Les femmes occupent encore une place marginale dans l’industrie musicale. Pour évoquer les inégalités et faire de la sensibilisation, Les Femmes s’en mêlent a aussi développé des ateliers pédagogiques via Les Femmes s’engagent.
Quels sont les axes de travail de ces ateliers ?
D’une part, augmenter la présence des femmes dans les musiques live, sur scène comme en coulisses, via des ateliers pratiques et techniques. D’autre part, repenser la filière pour un environnement professionnel plus sain. Cela concerne aussi bien les sujets de l’égalité femmes-hommes, que de problématiques d’inclusion, de violences et harcèlement sexistes et sexuelles, de parentalité…
Il se passera donc quoi à Marseille au niveau de l’engagement sociétal du festival ?
Pour ce retour à Marseille, nous allons proposer le 21 avril au Café Julien un atelier de production, animé par la dj et musicologue Vanda Forte (Bi:Pole). Le but est de faire d'accompagner les participantes en leur permettant une formation sur un matériel professionnel, avec des professionnelles. Nous réfléchissons à la construction d'une programmation culturelle plus ambitieuse, à développer sur d'autres périodes à Marseille, toujours en appui de la programmation artistique des Femmes s'en mêlent.
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Le timing était un peu serré pour monter plus d’ateliers ?
En effet. Ce sont des actions qui nécessitent des subventions, car contrairement aux concerts, nous n’avons aucune recette. Je suis actuellement en contact avec les institutions de notre territoire. J’espère que Les Femmes s’engagent saura les mobiliser dans les prochains mois.
Comment avez-vous imaginé la programmation du festival ?
J’ai voulu mettre en avant des artistes aux courants musicaux très différents. Avec de la pop dès demain au Makeda avec Stéphane, de la world avec Emel, du hip-hop avec Ausgang, du post-punk électro avec Denuit, de l’électro/trance/coldwave avec Mila Dietrich, ou encore un répertoire international, joué par la pianiste Vanessa Wagner. Elle a été premier prix du conservatoire national de Paris, à l’âge de 17 ans et "Révélation solo instrumentale" aux Victoires de la musique classique en 1999. Avec elle, nous sortons des clichés de la musique classique. Elle joue les auteurs et compositeurs qu’elle aime, comme Léo Ferré, Philippe Glass, ou Ryuichi Sakamoto. J’ai essayé de composer une programmation éclectique, hors des sentiers battus, avec des artistes féminines qui comptent sur la scène indé.
Quelques chiffres issus de l'étude du Centre national de la musique :
Le live
17 % femmes programmées dans des concerts et spectacles musicaux
14 % de femmes programmées dans les festivals de musiques actuelles
22 % de femmes programmées dans les festivals de musique classique
Musique enregistrée
28 % des projets artistiques produits et commercialisés sont interprétés par des femmes
Diffusion
Sur ce 28 % :
- 29 % de titres ont été les plus diffusés dans les médias
- 14 % de titres ont été les plus diffusés sur les plateformes de streaming
Emploi
54 % femmes dans les postes permanents mais :
- temps partiel plus important chez les femmes
- Ecart salarial qui augmente avec l'âge
- 18 % de femmes cadres en CDI
- 9 % de femmes cadres en CDD
- 1/3 des emplois intermittents sont des femmes (dont 37 % techniques et 33 % artistiques).