Dettes ou fonds propres ? Au plan fiscal, le choix du mode de financement de l’entreprise n’est pas neutre, dans la mesure où les intérêts constituent une charge déductible des bénéfices de la société, alors que les dividendes ne le sont pas.
Les dispositifs spécifiques prévus contre l’endettement « jugé artificiel »
• La limite du taux fiscalement déductible : historiquement la plus ancienne, cette disposition vise à plafonner le taux d’intérêt applicable en rémunération d’un prêt consenti par un associé. Le taux de référence est déterminé sur la base d’une moyenne des prêts bancaires d’une durée supérieure à 2 ans (2,79% au 31 décembre 2014). Les associés majoritaires ont toutefois la possibilité de retenir un taux supérieur, à condition de pouvoir démontrer qu’il s’agit d’un taux de marché.
• La sous-capitalisation : ce dispositif interdit la déductibilité des intérêts servis aux entreprises liées lorsque le montant de ces intérêts excède simultanément trois ratios : un ratio d’endettement (1,5 fois les capitaux propres), un ratio de couverture des intérêts et un ratio d’intérêts servis par des entreprises liées.
• L’amendement Charasse : dispositif éponyme du ministre du Budget à son origine, visant à lutter contre les « achats à soi-même » avec endettement (i.e. acquisitions sans véritable changement de contrôle juridique de la société cible) réalisés dans le cadre du régime d’intégration fiscale.
• L’amendement Carrez : cette mesure vise principalement à lutter contre les opérations structurées ou contrôlées depuis l’étranger par endettement artificiel (i.e. création d’une coquille juridique en France à seule fin de l’endetter pour acheter des titres). L’acquéreur doit ainsi être en mesure de démontrer qu’il prend les décisions relatives aux titres acquis et qu’il exerce le contrôle de la cible.
• Le rabot fiscal : ce dispositif a instauré un plafonnement général de la déductibilité des charges financières (85% en 2013, 75% à compter de 2014). Très concrètement, les charges financières nettes sont réintégrées au résultat de la société (ou du groupe fiscal) pour une fraction égale à 25% de leur montant, si elle excède 3 millions d’euros.
• Le dispositif « anti-hybrides » : dernier dispositif en date, il vise principalement à lutter contre le recours aux instruments financiers hybrides (instruments pouvant recevoir une qualification fiscale différente selon les Etats), en subordonnant la déductibilité des intérêts chez l’emprunteur à un niveau minimal d’imposition chez le prêteur lié (au moins égal au quart de l’impôt qui serait dû dans les conditions de droit commun).
Quelles conséquences pour les entreprises ?
Compte tenu de leur champ d’application large et de leur grande complexité, ces dispositifs doivent faire l’objet d’un suivi particulier par les entreprises, que ce soit dans le cadre de leur activité courante ou de leur projet d’acquisition / de restructuration.
Il est donc recommandé, à la clôture de chaque exercice (ou avant toute décision d’investissement), de « tester » la déductibilité de ses charges financières afin d’éviter les mauvaises surprises. Si certains dispositifs résultent d’un calcul certes complexe mais mécanique, d’autres sont plus sujets à interprétation et discussion en cas de contrôle, tel que le recours au taux de marché.
A ce titre, si deux décisions récentes ont donné raison aux contribuables (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 2 septembre 2014, n°12BX01182, Stryker Spine, et tribunal administratif de Bordeaux, 13 novembre 2014, n°1302599, SNC Siblu), elles rappellent néanmoins qu’il est indispensable pour l’entreprise de se constituer préalablement une solide documentation de support (documentation prix de transfert, étude économique, offre de prêt bancaire etc.).
Vincent FARA
EY Société d’Avocats
Avocat | Directeur de Mission – Droit Fiscal
Avocat au Barreau de Marseille
vincent.fara@ey-avocats.com