Sur l’intention, le Guichet unique avait de quoi séduire. Un seul accès au lieu de six, des démarches réalisables en ligne, sans avoir à se déplacer dans un Centre de formalités des entreprises (CFE) ou organisme compétent, un seul formulaire dématérialisé pour toutes les déclarations au lieu de 56 formulaires Cerfa et accessoirement 35 tonnes de papier économisées chaque année. Quant au registre national des entreprises destiné à recenser toutes les informations, il se substitue au registre national du commerce et des sociétés (RNCS), au répertoire des métiers (RM) et au registre des actifs agricoles (RAA) et intègre aussi le répertoire Sirene, avec des données accessibles gratuitement. L’Etat tient à en faire un "outil de référence". Outre de simplifier et moderniser, la réforme poursuivait un autre objectif selon le porte-parole du ministère de l’Economie que nous avons interrogé : lutter contre la monétisation de l’accès aux bases de données dont pouvaient abuser certains acteurs, au prétexte qu’elle ne serait « pas compatible » avec la liberté d’entreprendre…
Calendrier serré mais report impossible pour ce Guichet unique
Dans la pratique, la cascade de dysfonctionnements et bugs atteste que la transformation engagée n’avait pas été optimalement préparée. « Pour les créations, ouvertes depuis un an parallèlement aux autres CFE, à titre de rodage du dispositif, 100 000 formalités ont été réalisées depuis le 1er janvier en deux semaines, c’est donc que ce Guichet fonctionne. Mais pour les modifications dont la possibilité d’accès a été ouverte en septembre 2022, nous n’avons pas eu le temps suffisant pour effectuer tous les tests envisagés. Nous ne pouvions pas reporter car il aurait fallu un nouveau véhicule législatif, ce qui aurait entraîné le report de la réforme sine die».
Si l’ampleur des incidents est relativisée, elle n’est pas contestée. « Le calendrier était extrêmement serré. Il y a eu de plus une attaque informatique dans les trois premiers jours. Mais le Guichet a tenu, même si la page dédiée aux modifications a été indisponible pendant cinq jours ».
Pour pallier le manque et se donner le temps de finaliser les derniers tests, l’ancien "guichet entreprise" a été réactivé, à titre de boîte aux lettres, pour collecter les formalités de modifications et les relayer vers les anciens CFE. A ceux qui trouvent la procédure plus complexe, le ministère a également sa réponse.
« Il faut un temps d’appropriation. Il y a effectivement plus de questions, mais il a fallu homogénéiser toutes les anciennes formalités. Certains cas particuliers peuvent manquer mais nous travaillons avec tous les experts et professionnels concernés pour nous faire remonter ces spécificités et lever les bugs au fur et à mesure ».
Les présidents changent mais les convictions perdurent
Mieux informer et protéger les entreprises
L’Inpi s’est engagé à faire basculer toutes les cessations dans la quinzaine de jours et l’intégralité des modifications à fin février pour un site opérationnel au 1er mars 2023. « Le ministre l’a expressément demandé. L’Inpi et tous les acteurs s’emploient jour et nuit à régler le problème » assure notre interlocuteur. La capacité de l’Institut à relever le défi n’est pas mise en cause. « Il y avait un intérêt à le choisir comme "tiers de confiance" pour ce Guichet unique car il existe un vrai problème de propriété intellectuelle en France. Des entreprises ne se protègent pas assez. Du fait de sa compétence historique dans le domaine, il est justifié de la relier aux créations, modifications et dépôts de comptes collectés par le Guichet unique. Il pourra ainsi générer des alertes sur la protection des biens et contrats ».
Pour les dysfonctionnements qui viendraient à persister, Inpi Direct reste la plateforme à privilégier pour les signaler au 01.56.65.89.98. Les réseaux consulaires restent également à l’écoute. L’Urssaf et la DGFIP sont parallèlement sensibilisées aux éventuels rallongements de délais. « La preuve de dépôt informatique suffit pour ne pas avoir à subir le règlement de sommes indues. Les fédérations professionnelles se mobilisent pour nous faire part des difficultés ».