AccueilEconomieHôtellerie de luxe : qui sont les concierges Clefs d’or ?

Hôtellerie de luxe : qui sont les concierges Clefs d’or ?

Le Sofitel Marseille Vieux-Port***** fait désormais partie des rares hôtels français à proposer à sa clientèle les services de deux concierges Clefs d’or. La rédaction a voulu en savoir plus sur ce métier de l’ombre...
L’ancienne et la nouvelle génération de concierge "Clefs d'or", Christian Piq et Silvi Shkëmbi, au Sofitel Marseille Vieux-Port*****.
Robert Poulain - L’ancienne et la nouvelle génération de concierge "Clefs d'or", Christian Piq et Silvi Shkëmbi, au Sofitel Marseille Vieux-Port*****.

Economie Publié le ,

D’un côté, nous avons Christian Piq, 58 ans, arrivé en 1993 au Sofitel Marseille Vieux-Port, intronisé concierge clés d’or en 2007. De l’autre, Silvi Shkëmbi, 30 ans, Albanais, ancien danseur professionnel arrivé en France à 17 ans, qui a intégré l’équipe de Christian Piq en 2019 et qui fait partie depuis avril dernier de la grande famille des "Clefs d’or". Ces concierges de haut niveau sont 4 000 dans le monde et présents dans 44 pays. Créé en 1929, l’Union nationale des concierges d’hôtels (UNCH), mieux connue sous le nom "Les Clefs d’or France", récompense les meilleurs concierges de palaces et hôtels cinq étoiles. En France, ils sont environ 400, hommes et femmes, à faire partie désormais de l’élite de la profession. Christian Piq et Silvi Shkëmbi nous parlent de leur métier de passion et dévoilent avec pudeur, au fil de l’interview, leur respect mutuel et leur relation quasi filiale.

Comment devient-on concierge clés d’or ?

Christian Piq : Il faut être parrainé par trois concierges, travailler dans l’hôtellerie depuis au moins cinq ans, dont trois au service de conciergerie et parler au moins trois langues. Silvi parle albanais, français et anglais.

C’est vous qui avez proposé la candidature de Silvi Shkëmbi. Comment avez-vous su qu’il était prêt ? A 30 ans, il fait partie des plus jeunes…

CP : C’est vrai, mais au bout de deux ans à travailler avec lui, j’ai su qu’il était "prêt". Etre concierge Clefs d’or, c’est avoir de l’empathie et le sens du service, faire preuve aussi de beaucoup de générosité et d’initiative. Je savais qu’il réussirait son oral devant le jury ! Il a un vrai sens du détail, se montre curieux. Il est fait pour ce métier de passion et d’excellence !

Comment se déroule l’examen ?

Silvi Shkëmbi : Il faut monter un dossier, puis passer devant un jury de concierges Clefs d'or. Durant l’oral, on cherche à connaître votre personnalité, ce qui vous anime dans le métier, comment vous gérez telle ou telle situation.

Y aviez-vous pensé avant ?

SS : Non jamais ! J’essaie de me connaître, de bien travailler en équipe, c’est important, mais devenir "Clefs d’or », j’avoue que je n’y ai jamais pensé. Mais c’est une immense fierté pour moi et ma famille ! Je suis Albanais et désormais clés d’or en France, avec toutes les valeurs et le prestige que cela induit. Imaginez ma fierté quand l’ambassade d’Albanie en France m’a appelé pour me féliciter !

Ca change quoi dans votre approche du métier désormais ?

SS : Pour moi rien, mais c’est vrai que je vois du changement dans le regard des clients, lorsqu’ils voient mes broches épinglées de chaque côté de ma veste. Comme s’ils avaient plus confiance…

Vous rêvez de quoi désormais ?

CP : Moi je suis très bien où je suis. Je vis mon rêve tous les jours. Pour rien au monde je n’irai ailleurs. Je suis Marseillais. J’ai l’accent. Vous imaginez bien que je ne passerais pas dans les palaces parisiens, mais ici, nos clients adorent ! Je viens d’un milieu simple. Mes amis d’enfance ne sont pas logés à ma bonne enseigne. C’est exceptionnel où j’en suis ! Je vis mon rêve éveillé…

SS : Moi c’est pareil ! Nous avons tous les deux, avec Christian, des origines modestes. Je suis Albanais et désormais, je me sens comme un ambassadeur, non seulement de Marseille, mais de la France et de l’Albanie. Nous sommes seulement deux Clefs d’or Albanais dans le monde. Le deuxième est en Belgique. C’est fou ! Mais j’ai encore tellement de choses à apprendre du métier et de Christian.

Quelle est la force du réseau des concierges Clefs d’or ?

CP : C’est écrit dans notre charte. Nous nous devons assistance. J’ai déjà appelé un confrère à Londres, pour obtenir des billets de concert. Un concierge américain m’a demandé de lui trouver des places pour l’OM…

Et côté prestataires, vous devez être très courtisés ?

CP : C’est sûr. Le réseau d’un concierge évolue chaque jour. Des gens viennent se présenter à nous pour qu’on travaille ensemble. Nous en repérons d’autres.

SS : C’est important de rester à l’écoute de sa ville, de son territoire. Marseille est une ville généreuse et c’est vraiment passionnant d’en découvrir les secrets.

Une journée type ?

CP : Chaque journée est différente. On travaille sans filet, avec son lot de demandes et problèmes à gérer. Rester créatif et à l’écoute, c’est vraiment essentiel. Moi par exemple, j’aime faire mes plannings chez moi, sur mon temps de repos. Je ne prépare pas chaque jour des "idées de sortie". J’improvise tout le temps et fais du sur-mesure avec nos clients.

La disponibilité H24, mythe ou réalité ?

CP : Mythe ! Sauf dans certains palaces, où vous avez ce qu’on appelle des "guest relations", des personnes entièrement dédiées au service de clients VIP. Pour autant, on ne coupe pas vraiment avec son travail. Mais on aime ça !

SS : Complètement ! Je vis mon métier H24, ça c’est sûr. Toujours à l’affût d’idées qui pourraient surprendre nos clients.

Des anecdotes marquantes ?

SS : Pour nous, louer un hélicoptère ou une Ferrari, ça n’a rien d’extravagant. En revanche, régler la disparition d’un biberon du fils d’un client, qui refusait d’en prendre un neuf, là il faut être inventif ! Comme pour louer un costume de lapin, taille adulte ! Mais ce sont aussi nos attentions qui font la différence. Préparer un pique-nique de la mer pour une sortie en bateau et voir la surprise et la joie chez nos clients, ça c’est le meilleur de notre métier !

CP : Ou faire fabriquer dans la nuit un costume sur-mesure pour un ministre étranger, qui avait oublié le sien et devait prendre la parole le lendemain de façon officielle. Ou encore, obtenir une dérogation exceptionnelle pour faire décoller depuis le Pharo, en hélicoptère, un joueur de l’Open 13 qui devait retourner sur Paris en urgence, suite à un problème familial. Dans notre jargon, on appelle ça "du cousu main". Quand on arrive à gérer une situation inédite.

Nouez-vous au fil du temps des relations privilégiées avec certains clients, connus ou pas ?

CP : Forcément ! Mais je dis à Silvi de ne pas trop donner son 06 non plus. Il faut aussi se protéger, mais forcément, nous nouons des liens au fil du temps. J’ai vu tellement de stars défiler au Sofitel. Impossible de les citer toutes. J’ai été marqué par le Dalaï Lama et Tom Cruise. Tom Cruise ne voulait parler qu’avec moi. Je pense aussi à Depardieu forcément, qui me dit "bonjour" avec une grande tape sur l’épaule, en me lançant "ça va Cri ?".

SS : Nous sommes dans un métier de services. Forcément, l’humain n’est jamais très loin. Les relations se font naturellement, ou pas, en gardant toujours à l’esprit que nous sommes l’image de marque d’une maison.

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