AccueilEconomie« Il faut pérenniser une organisation et un fonctionnement »
Me Jean Coulomb, président du Conseil régional des notaires

« Il faut pérenniser une organisation et un fonctionnement »

Me Jean Coulomb a été élu président du Conseil régional des notaires de la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 16 juin 2023, pour un mandat de deux ans. Il succède à Me Caroline Oron.
Me Jean Coulomb a été élu le 16 juin 2023 président du Conseil régional des notaires de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
(Crédit : M. Debette) - Me Jean Coulomb a été élu le 16 juin 2023 président du Conseil régional des notaires de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Economie Publié le , Propos recueillis par Martine DEBETTE

Les Nouvelles Publications : Qu’est-ce qui vous a conduit à la présidence du Conseil régional des notaires ?

Me Jean Coulomb : C’est essentiellement par sens du devoir. J’aime cette profession qui m’a énormément apporté et je me devais de répondre favorablement à certaines attentes. Notamment en prêtant de mon temps pour l’aider à fonctionner, à se développer, à s’organiser.

Je considère également qu’avoir une vision de la profession avec un angle différent est un enrichissement. J’aime ce qui est "extra ordinaire", en deux mots, ce qui me sort de l’ordinaire pour lequel j’ai été formaté, formé. C’est une sorte de challenge personnel.

Quel est votre principal objectif ?

Au départ, je souhaitais prêter de mon temps pour faire avancer ma profession au travers d’un prisme particulier qui est celui de l’organisation ordinale. Les années de vice-présidence doivent servir à quelque chose, à appréhender le fonctionnement actuel de nos instances. Et mon prédécesseur a eu à souffrir d’une réforme importante qui va bouleverser la vie du Conseil régional des notaires (CRN) dans sa manière de fonctionner et dans les matières à traiter traditionnellement.

Les premiers jours de ma présidence m’ont amené à penser, et c’est ce que je fais depuis ce 16 juin, qu’il faut absolument pérenniser une organisation et un fonctionnement qui, je l’espère, resteront et permettront à nos successeurs de continuer à faire fonctionner le Conseil régional dans toutes ses attributions, de manière fluide, de manière dynamique, toujours proche de mes confrères afin de rendre le meilleur service à nos clients.

En quoi cette réforme est-elle si particulière ?

Cette réforme est celle de la discipline. Il y a eu un transfert de charge d’une partie non négligeable de l’activité ordinale des instances notariales. Cette réforme de la discipline remonte au Conseil régional des notaires pour le traitement des réclamations, de la part de certains de nos clients dont nous faisons l’objet, et c’est normal, tout en restant dans la stricte moyenne nationale.

Dans le même temps, il a été créé une juridiction échevinée, présidée par un magistrat professionnel, dans laquelle siègent également deux notaires désignés par arrêté du garde des Sceaux et qui aura pour but de relaxer ou, éventuellement, de sanctionner nos confrères déviants.

Cette réforme très importante bouleverse notre organisation puisque, à côté, subsistent les attributions naturelles et historiques du Conseil régional des notaires.

Quelles sont ces autres attributions ?

Il y a d’abord la formation et les relations avec les universités ou l’Institut national des formations notariales (INFN). Notre région, qui est celle du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, est une grande région qui englobe quatre départements et trois universités (Aix-Marseille Université, Toulon et Nice), ce qui n’ajoute qu’en complexité à la tâche.

La communication est également une prérogative naturelle du CRN. Une communication tournée vers le grand public, bien sûr, pour mieux nous faire connaître, expliquer qui nous sommes, ce que nous apportons. Ainsi que la communication de relation avec les autres professions du droit, du chiffre, etc., les collectivités et, surtout, avec le parquet général qui est désormais notre interlocuteur privilégié, depuis la réforme de la discipline.

Il y a aussi les inspections.

Issu d’une tradition notariale,le nouveau président du Conseil régional des notaires est installé à Aubagne depuis 25 ans. (Crédit : M. Debette)

En quoi consistent les inspections ?

Le Conseil régional des notaires gère les inspections qui servent à assurer notre garantie collective puisque nous sommes tous solidaires. Nous nous inspectons annuellement via un binôme constitué d’un notaire accompagné d’un comptable. Elles permettent de prévenir les déviances ou les situations anormales, de participer au renforcement de la lutte contre le blanchiment d’argent. Les rapports sont remis aux procureurs de la République.

Cette mission d’inspection est assurée par des notaires, des comptables salariés et des experts-comptables. Depuis quatre ans, en raison de l’augmentation importante du nombre d’études et de notaires, puisque nous sommes passés de 250 études et 800 notaires à 540 études et 1 555 notaires en Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous avons été dans l’obligation de désigner quelques cabinets d’expertise comptable.

Notre région représente près de 10 % de l’effectif du notariat en France. C’est pour cette raison qu’un des enjeux sera l’organisation du Conseil régional des notaires, notamment les chambres départementales. Si quelques chambres ont vu certaines de leurs attributions remonter au CRN, il n’en reste pas moins que nos partenariats à venir et notre travail commun devront être encore plus harmonisés pour faire face aux défis de cette grande région.

Un autre axe important ?

Oui, si la formation, la communication, la discipline et les inspections sont importantes, il y a aussi la médiation. Nous nous devons de continuer à répondre favorablement à une demande évidente de l’organisation judiciaire qui est d’être présents sur le terrain de la médiation. Nous ne sommes pas les seuls mais, par nature, nous sommes ceux chez qui c’est le plus naturel.

La médiation, nous l’avons organisée. Elle fonctionne plutôt bien. C’est le rôle du CRN de continuer à organiser le centre de médiation régionale que nous avons créé, sous forme associative, en 2016. Et il faut reconnaître que, en période post-covid, beaucoup de magistrats contribuent au développement de la médiation. Depuis quelques temps, nous avons une recrudescence de dossiers qui a fait exploser nos chiffres en la matière.

Très clairement, la médiation est un bon moyen de désengorger les tribunaux et de prévenir plutôt que d’imposer des solutions. Donc, tout le monde y trouve son compte. Le médiateur passe du temps à écouter, à faire parler les parties. Il est rare qu’un notaire soit déjà intervenu sur un dossier transmis pour une médiation : s’il y en avait eu un, le conflit aurait sûrement été géré en amont.

Qu’en est-il de la conciliation ?

Il ne faut pas confondre la médiation avec la conciliation sur acte pratiquée avec succès dans nos quatre départements. La médiation prévient un litige et peut aboutir ou déboucher sur un ou des actes, alors que la conciliation suit un acte qui a été signé. Ce n’est pas un problème à l’égard du professionnel qui l’a établi, mais c’est un problème d’exécution de cet acte entre les parties.

Les lois comme les contrats sont faites pour être exécutées par des gens de bonne foi, c’est-à-dire qui en reconnaissent les termes. Mais si tout était aussi simple que cela, on n’aurait pas besoin de justice. J’aime cet adage "Lex est quodcumque notamus", ce qui signifie : ce que nous écrivons fait loi. Parfois, et malgré toutes les précautions prises, les gens ne sont pas d’accord sur l’exécution d’un acte.

En dépaysant le dossier et face à un notaire honoraire, en général, la conciliation permet d’apporter un peu de quiétude et de ramener les gens à une exécution normale du contrat. Ce qui est très surprenant, c’est que lorsque je rappelle la conciliation aux avocats, tous me répondent : "Ça me va très bien", parce qu’ils accompagnent leurs clients et qu’ils savent que la procédure est beaucoup plus rapide qu’un mauvais procès.

L’autre différence entre la conciliation et la médiation est que la conciliation est gratuite, alors que la médiation est payante, elle se passe en amont et va, ou non, aboutir sur un ou des axes.

Depuis 2021, Jean Coulomb était vice-président du Conseil régional des notaires. Auparavant, il a présidé de 2015 à 2017 la Chambre des notaires des Bouches-du-Rhône. (Crédit : M. Debette)

Quels autres points comptez-vous aborder durant votre mandat ?

Pour compléter la réorganisation, il faut que nous poursuivions l’accueil des 250 nouvelles études qui ont été créées. Nous les accompagnons depuis leur création avec des formations qui augmentent leurs compétences, leur permettent de satisfaire leurs clients dans le respect de la déontologie qui nous anime.

Je souhaite également, surtout compte tenu du poids de notre région, relayer les préoccupations de nos confrères auprès du Conseil supérieur du notariat (CSN), qui est notre organisation nationale, en coordination avec les quatre délégués et les quatre présidents de chambre (un par département). Aujourd’hui, les instances locales sont organisées sous la forme d’un Conseil régional et de chambres départementales. Il y a une volonté nationale avérée de réduire les échelons dans les territoires, comme ça a été le cas des regroupements de communes. Il y a la même volonté dans notre profession. Une volonté de politique générale.

La difficulté de notre région est qu’il est question d’une chambre interdépartementale qui aurait la double casquette de Conseil régional et de chambres départementales. Compte tenu du nombre de notaires et d’études, de l’étendue de notre territoire - il faut trois à quatre heures pour aller de Menton (Alpes-Maritimes) aux Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône), en passant par Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence) -, du nombre d’universités, des spécificités de notre territoire, des clientèles, etc., cela nécessiterait d’adapter au mieux nos structures à cette évolution. L’interdépartementalité est un sujet que nous examinerons afin de nous organiser avec notre Conseil régional et nos chambres pour continuer d’assurer la proximité à l’échelon départemental.

Pour illustrer la difficulté de ce challenge, je citerais l’exemple d’une chambre comme celle des Bouches-du-Rhône qui représente aujourd’hui plus de 600 notaires. Elle est bien plus importante que la plupart des chambres interdépartementales françaises existantes dans d’autre régions.

Comment comptez-vous gérer tous ces axes de travail ?

Heureusement, je ne suis pas seul, je suis très bien entouré. Je peux m’appuyer sur les 15 collaborateurs permanents qui assurent le lien et la continuité des équipes qui se succèdent, puisque nous sommes sur des mandats de quatre ans qui se renouvellent par moitié tous les deux ans. Puis sur l’ensemble des élus qui forment le CRN, où nous sommes 45. Une équipe conséquente dont le nombre n’a cessé d’augmenter puisqu’il est réglementé par département en fonction de l’augmentation du nombre de notaires.

Quant au poste de secrétaire général, il est très important puisqu’il forme un binôme avec le président.

Comment évolue la profession ? Jeunesse ? Féminisation ?

A l’image de nos instances, avec nos jeunes présidents de chambre, la profession s’est, à la fois, extrêmement rajeunie et féminisée ces huit dernières années puisque 56,5 % des notaires sont des femmes. Il était opportun que la place des femmes soit occupée dans les Ordres professionnels et quel meilleur message qu’une femme soit présidente du CSN. En octobre 2022, Sophie Sabot-Barcet a été élue présidente du Conseil supérieur du notariat. Elle est la première femme à occuper ces fonctions.

Quant aux jeunes, il y a certainement une attractivité naturelle de la profession, ainsi qu’un phénomène autour de la loi de modernisation de l’économie qui a permis un accès simplifié à la profession, qui est notamment dû à la création d’un certain nombre d’offices. Ceux qui étaient en place ont, par réaction, ouvert leur porte. La loi de modernisation de l’économie a poussé les notaires en place à se moderniser, à se rajeunir et à prendre un peu plus en main leurs évolutions internes.

L’augmentation du nombre de notaires vient de ces deux facteurs, tant des créations que des effets induits de cette loi, et le nombre d’études créées est très en dessous de l’augmentation de celui du nombre de notaires.

Issu d’une tradition notariale

Me Jean Coulomb est âgé de 55 ans. Notaire, installé à Aubagne depuis février 1998, il est issu d’une tradition notariale, « depuis mon grand-père jusqu’à ma fille », souligne-t-il. « En réalité, j’ai eu la chance inouïe de succéder au nom de mes aïeux, mais pas dans leur étude. Mon père étant déjà retraité depuis plusieurs années, je n’ai pas pu lui succéder. Il a donc fallu que je parcours mon chemin ailleurs », précise le nouveau président du Conseil régional des notaires.

Au départ, c’est « un peu par tradition » qu’il s’est intéressé à ce métier. « Finalement, lorsque j’ai commencé mes études, je n’étais pas convaincu de devenir notaire, avoue Jean Coulomb. Pourtant, c’est en appréhendant la matière du droit et en découvrant les autres professions du droit que je me suis dit que le consensualisme et la recherche de l’équilibre systématique correspondaient bien à ma manière d’être. Et, finalement, j’ai conclu que cette profession me correspondrait bien. »

Quelques chiffres au 31 août

Le ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence compte 540 études : 19 dans les Alpes-de-Haute-Provence, 168 dans les Alpes-Maritimes, 204 dans les Bouches-du-Rhône et 149 dans le Var.

Quant aux notaires, ils sont 44 dans les Alpes-de-Haute-Provence, 480 dans les Alpes-Maritimes, 633 dans les Bouches-du-Rhône et 398 dans le Var. Soit un total de 1 555 dans le ressort.

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