LNP : Mouvement des Gilets jaunes, baisse des ressources financières des CCI, crise de la Covid-19… Votre mandat n'aura pas été de tout repos. Comment se porte la CCI métropolitaine Aix-Marseille Provence ?
Jean-Luc Chauvin : Comme toutes les CCI de France, notre chambre a subi une forte baisse de ses recettes financières en raison de la modification de la Taxe pour frais de chambre (TFC) et des ponctions décidées par l'Etat. Entre 2016 et 2019, nous avons perdu 39 % de la TFC et nous en sommes à 50 % de baisse actuellement. En même temps, et comme toutes les entreprises, nous avons enregistré un ralentissement de nos activités commerciales pendant cette crise. Il nous a été difficile d'assurer tous nos services aux entreprises, de louer nos salles ou d'organiser des évènements. Nous n'avons pas, par exemple, encaissé le loyer de Kedge pour les nouveaux bâtiments, le chantier ayant pris du retard en raison du premier confinement. Notre établissement a dû faire face à cette double baisse de ses revenus, cela sans l'assurance d'un filet. C'est-à-dire sans avoir recours à un PGE [Prêt garanti par l'Etat, NDLR] ou du chômage partiel, puisque ces dispositifs ne nous sont pas destinés. Pour autant, la CCI métropolitaine Aix-Marseille Provence (CCIAMP) a poursuivi une activité intense afin de soutenir les entreprises.
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Nous avons dû nous adapter au contexte et poursuivre nos efforts, notamment en accélérant le plan de transformation de la maison engagé il y a deux ans. Je veux remercier au passage les élus et équipes de la CCI qui n'ont pas compté leurs heures. Malgré un contexte contraignant, notre chambre est restée un acteur incontournable dans le paysage économique. En même temps que nous perdions 39 % de recettes de la TFC, la CCI augmentait de 22 % son impact positif sur le territoire. Ce chiffre est tiré de l'étude du cabinet Goodwill Management qui a mesuré l'impact économique de notre chambre depuis 2016. Un euro détenu par la chambre en génère 7,3 sur notre territoire.
Vous avez annoncé lors de l'assemblée générale du 26 mars que vous seriez candidat à votre succession. Pourquoi appelez-vous à un rassemblement du monde économique pour les prochaines élections de la CCIAMP ?
Quand j'ai été élu, il y avait trois listes. Pendant cette mandature, la chambre a fonctionné avec 66 élus, issus de deux de ces listes. Il s'agit d'élus au service des entreprises et du territoire, qui sont là pour aider. Pendant ce mandat, nous avons monté une équipe, entre les élus et les salariés. Je parle d'une Team CCI qui a un seul objectif : être utile aux entreprises et au territoire. Pendant près de cinq ans, nous avons contribué à changer le modèle de notre chambre pour en faire une chambre plus proche des entreprises et plus entrepreneuriale dans son fonctionnement. L'heure est grave et la crise n'est pas terminée parce que nous allons sortir du « quoi qu'il en coûte ». Il va falloir faire redémarrer l'économie et accompagner les entreprises. Ce défi de la sortie de crise, mais aussi celui de la transformation de notre chambre consulaire doivent se faire avec un monde économique uni. Les entreprises ne comprendraient pas que nous ne soyons pas tous unis. On doit pouvoir aller encore plus loin. Pour ma part, je n'abandonnerai pas le navire pendant la tempête.
Appelez-vous à une liste unique du monde économique ?
La situation doit nous faire prendre conscience qu'il faut renforcer ce jeu collectif, afin de limiter la casse économique. Tout le monde a sa place et il faut travailler ensemble, en évitant les divisions et les guerres de chapelles. C'est ensemble que nous trouverons des solutions. C'est la musique du jeu collectif qui va nous faire gagner. J'appelle à une union de tous ceux qui le souhaitent et à un large rassemblement du monde économique.
Quels outils manquent-ils à notre territoire pour se développer ?
Tout d'abord, il nous faut un outil fort qui permette d'accélérer la croissance des entreprises et aider les porteurs de projet : c'est une place financière. Il faut créer ici les éléments financiers de notre autonomie. Vu sa position géostratégique entre l'Afrique et l'Europe, ce territoire peut tout à fait devenir la place financière qui aide à la fois les projets d'ici et ceux qui vont se développer en Afrique. On est capable d'accueillir des fonds internationaux. C'est indispensable pour nos entreprises, et ça l'est aussi pour notre territoire : l'argent public est de plus en plus rare et donc il faut aller le chercher là où il est disponible et ne demande qu'à être utilisé.
Il faut également qu'on accélère la dynamique d'innovation à grande échelle. Il faut aller chercher dans le monde entier des talents sur les sujets d'avenir économique de notre territoire. Il y en a trois. Tout d'abord, la santé, dont on a bien vu qu'elle était un pôle d'excellence ici. Il faut aussi qu'on accélère sur tous les sujets qui tournent autour du numérique. On a la chance d'être le 2e hub français, on sera 5e métropole mondiale en termes de connexions d'ici la fin de l'année ou du début de l'année prochaine, avec l'arrivée du câble « Peace ». Cela nous oblige à nous orienter sur l'utilisation de ces données : il faut qu'on transforme ça en atout supplémentaire pour le territoire, c'est-à-dire qu'on implante ici les nouveaux métiers de demain qui vont utiliser ces données, faire la richesse de cet or noir.
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On doit aussi attirer les talents d'aujourd'hui. Les Millenium ont inversé leur choix par rapport aux générations précédentes : ils cherchent d'abord un territoire avec une qualité de vie. Or, nous avons un territoire béni des dieux dont nous devons accélérer la transition écologique. On doit inventer la ville bioclimatique méditerranéenne du XXIe siècle, la ville « décarbonée ». Il faut faire de notre territoire un lab à ciel ouvert sur trois secteurs, la santé, le numérique et la transition écologique. On a les moyens d'être la Silicon Valley de la Méditerranée.
Enfin, il nous faut un lieu d'échanges dédié aux rencontres avec l'Afrique. C'est notre passé mais c'est aussi notre avenir car l'Afrique est le territoire de la croissance des 30 prochaines années. Il doit s'agir d'un lieu de partage de l'artisanat, de la culture, une place où on va accueillir des patrons africains et où les entrepreneurs des deux rives pourront découvrir l'autre côté.