Ce texte, substantiellement amendé par l’Assemblée Nationale en première lecture, prévoyait dans son article 10 A d’insérer un titre IV au livre III du code de commerce intitulé « DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION COMMERCIALE ».
En substance, ces dispositions prévoyaient :
- de limiter à neuf années, sans reconduction tacite possible, la durée des contrats conclus entre des exploitants indépendants d’un commerce de détail (alimentaire ou non) et une entreprise « tête de réseau » regroupant des commerçants indépendants ou déployant des modèles type franchise ;
- D’étendre la résiliation d’un contrat dit de réseaux à l’ensemble contractuel indépendamment de la volonté des parties ;
- De réputer non écrite toute clause de non-concurrence postérieure à la résiliation de l’ensemble contractuel susmentionné.
La commission spéciale du Sénat chargée d’examiner le projet de loi a, pour l’heure, abrogé ces dispositions. Il convient de s’en réjouir tant elles contrariaient à la fois le principe de la liberté contractuelle et le droit de la concurrence.
Il existe en France trois grands modes de distribution en réseau :
- les réseaux intégrés (appelés parfois succursalistes) qui fonctionnent sous le principe d’une autorité unique (la tête de réseau) et qui ne sont pas concernés par la réforme ;
- les réseaux associés, parfois appelés coopératifs, dont les enseignes emblématiques sont par exemple les groupements Leclerc, Intermarché ; ils participent d’une démarche volontaire de commerçants indépendants souhaitant se regrouper, dans le cadre notamment d’une centrale d’achat, via l’adhésion de chaque membre à la société coopérative et au règlement intérieur qui la gouverne. Il s’agit donc d’un contrat dont les fondements relèvent pour l’essentiel du droit des sociétés. L’article L. 124-1 et suivants du code de commerce en organise le fonctionnement ;
- les réseaux dits contractuels dans lesquels entrent naturellement la franchise mais aussi la commission affiliation, la licence de marque, la concession etc. qui fonctionnent sur le principe de la conviction ; la franchise est un modèle abouti composé de trois éléments indissociables : la marque ; le savoir-faire et l’assistance ; la relation contractuelle entre les parties s’organise souvent à l’appui de plusieurs contrats (licence de marque ; contrat de distribution ; contrat d’assistance), voire plusieurs ensembles contractuels si l’adhérent dirige plusieurs points de vente.
Du fait de cet amendement, un commerçant ayant plusieurs contrats distincts avec une tête de réseau qui souhaiterait mettre fin à un volet de la collaboration sans nécessairement renoncer à l’ensemble, ne pourrait pas arbitrer et verrait de facto l’ensemble contractuel s’arrêter. De même, un franchiseur, nouvel entrant, qui investirait dans le développement de son savoir-faire ne pourrait, si cet amendement était réintroduit, imposer de clause de non-concurrence postérieure au contrat de franchise au risque de voir son réseau décliner. Enfin, un concessionnaire engagé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée se verrait imposer une durée de neuf années non renouvelable tacitement, faisant ainsi tomber les autres contrats éventuellement conclus avec la tête de réseau.
Du fait de cette réforme, le principe de la liberté contractuelle semble mis en jachère, les cocontractants n’ayant plus la main sur l’organisation contractuelle de leur relation (durée, renouvellement...) ; de même, les clauses de non-concurrence postérieure au contrat de franchise seraient interdites, alors même que les droit français et européen ont depuis longtemps résolu cette question et que la jurisprudence est constante en la matière en limitant dans le temps, dans l’espace et dans l’objet lesdites clauses.
Il reviendra en dernière ressort à l’Assemblée Nationale de se prononcer définitivement sur cet amendement après sa suppression par le Sénat.
Helen Coulibaly-Le Gac
Avocate au barreau de Marseille