AccueilDroit et ChiffreLe droit du numérique au cœur du colloque de l'AFDIT

Le droit du numérique au cœur du colloque de l'AFDIT

La révolution numérique est en route. Elle touche un large public puisque les technologies s'adressent aussi bien aux particuliers, aux entreprises, aux institutions, etc. Bref, le digital est devenu incontournable.
Le droit du numérique au cœur du colloque de l'AFDIT

Droit et Chiffre Publié le ,

Si les objets connectés et autres terminaux que nous portons – presque - tous sur nous au quotidien nous sont pratiquement devenus indispensables, cela provoque quelques bouleversements. Lors de la Journée de l’AFDIT, l’Association française de droit de l’informatique et de la télécommunication, le focus a été mis sur le droit du numérique, et principalement sur les smartcities et l’intelligence artificielle. Pour faire le point, l’AFDIT, en partenariat avec les barreaux d’Aix-en-Provence et de Marseille, HECAlumni* Paris, le Cnejita**, la Revue de propriété intellectuelle du Sud-Est (RPISE) et la faculté de droit d’Aix-Marseille, a organisé une journée de formation. Me Nicolas Courtier, avocat à Marseille à l’origine de ce colloque, a choisi de faire intervenir les meilleurs spécialistes pour que les avocats puissent comprendre les différentes facettes de ce sujet, situer où en est le droit, les contraintes juridiques, etc., et y a ajouté la vision côtés nord-américain et européen. D’où le choix d’intervenants variés (élus, entrepreneurs, universitaires, etc.). L’objectif étant d’analyser les bouleversements et changements en cours sur la société, ainsi que sur l’environnement juridique en pleine mutation. Des intervenants américains et de l’Union européenne ont, eux, apporté leur vision et leur expérience, appréciées du public.

Le prix à payer

« Fascinés par Internet, nous avons été dupes des grandes entreprises de technologie puisque nous avons saisi l’opportunité et pris des services gratuits extraordinaires que nous payons sans le savoir en abandonnant nos données personnelles », a commencé André Meillassoux, président de l’AFDIT et fondateur du cabinet d’affaires ATM Avocats à Paris. Il a évoqué un grand auditeur américain qui a chiffré les services gratuits de données à hauteur de 191 milliards de dollars US. Un prix colossal ! Selon lui, « les gouvernements, les Etats n’ont pas été grandioses. Ceux qui ont été bons, ce sont les gens de la Communauté européenne et du Parlement européen qui se sont battus à contre-courant durant quatre années et demie (loi de mai 2016), avec 4 100 amendements, considérant qu’il n’y a pas de société démocratique sans protection des données ».

Les villes intelligentes, oui mais…

Massimo Attoresi, responsable de la protection des données au Contrôleur européen de la protection des données (CEPD)***, a mis l’accent sur la protection des données dans l’émergence des villes intelligentes, les smart cities. Celles-ci récoltent des quantités énormes de données : informations démographiques, de géolocalisation, style de vie et préférences des gens, données biométriques, santé, etc. Autant de données qui traversent plusieurs systèmes d’information et réseaux, y compris l’Internet. Elles sont ensuite élaborées, avec celles qui proviennent des objets, afin de prendre des décisions qui impactent les citoyens. Un but et des conséquences a priori positifs à mettre en parallèle avec de possibles risques d’utilisation inappropriée, accidentelle ou volontaire.

Au niveau juridique, la loi protège ces données au niveau national en utilisant des critères et normes dérivés d’une directive européenne datant de 1995.

« Bien que certains principes de base restent les mêmes, les derniers développements technologiques et l’exploitation toujours croissante des données personnelles ont nécessité une modernisation de la loi. En mai 2016, un nouveau règlement européen a été approuvé. Il sera en vigueur à partir de mai 2018, renforcera la protection et l’adaptera aux temps modernes », a souligné l’intervenant.

Il s’est ensuite penché sur les enjeux des villes intelligentes et le grand nombre d’acteurs intervenant dans cet écosystème, soulignant le risque de ne pas pouvoir déterminer qui est responsable des informations personnelles collectées. « Il est également possible qu’une analyse des risques au niveau de la sécurité informatique, tenant compte de la complexité des systèmes, ne soit pas réalisée. Et que les personnes concernées ne sachent pas à qui s’adresser. On peut aussi être poussé à récolter davantage de données que le but original pour profiler des gens à d’autres fins. Ce qui est interdit ! Très souvent, on a simplement besoin de données qu’on essaie de rendre anonymes. Toutefois, des chercheurs ont démontré qu’il n’est pas difficile de ré-identifier les personnes concernées, en particulier à partir des données de géolocalisation. Il est dès lors très important d’adopter le principe de précaution et de protéger les données de façon adéquate. »

Il a également attiré l’attention sur l’utilisation des « open date », des informations mises à disposition de tout public qui nécessitent la même protection. Sa conclusion : « Les villes intelligentes représentent une opportunité unique d’améliorer la vie des citoyens. Pour autant, elles nécessitent de protéger les données personnelles pour évider des dommages collatéraux qui, dans certains cas, peuvent dépasser les avantages procurés. »

Du côté juridique

« Les technologies avancent souvent plus vite que le droit », a souligné Philippe Mouron, maître de conférences à l’université d’Aix-en-Provence et vice-président de la RPISE. Les smart cities sont porteuses de beaucoup de promesses, d’avantages, de services, etc., mais posent des problèmes juridiques qui ne sont pas nouveaux. Après les objets connectés, le big data, le cloud dont la sécurité peut être mise en doute, le droit prend une dimension nouvelle avec les smart cities qui créent « une abolition de la frontière entre vie privée et vie publique car, finalement, tout pourra être capté : le moindre pas que nous ferons dans la rue, nos achats, les transports empruntés, les déchets jetés, etc. Fini le relatif anonymat dont nous bénéficions autrefois », a poursuivi Philippe Mouron. Quid du traitement des données ? Société commerciale ? Pouvoirs publics ? Pour en faire quoi ? Quelle responsabilité ? De quelle manière pourra-t-on donner son consentement à la collecte de ses données ? Un consentement qui est impossible car la smart city est conçue pour être instantanée. Il a conclu : « Aucun des piliers de la protection des données ne résiste au big data ». A bon entendeur !

Les promesses du machine learning

Virginie Galindo, experte en technologie et innovation chez Gemalto, a abordé la disruption technologique, mettant surtout l’accent sur le machine learning****, une sous-catégorie de l’intelligence artificielle, qui permet de faire une analyse prédictive à partir de données du passé. Et donc de chercher ou d’affiner des corrélations afin de faire des recommandations en situation. La donnée est le point essentiel car il en faut beaucoup pour obtenir un échantillon de grande qualité. Des majors comme Google utilisent largement ce procédé pour faire des propositions liées à une recherche (hôtel, objet, livres, etc.) de l’utilisateur. On le retrouve aussi sur des sites marchands proposant des chats, le conseiller humain ne prenant la main que par la suite. Le nombre d’applications est impressionnant. Selon elle, les avocats pourraient même rendre une recommandation sur la fin d’un conflit ou d’un procès grâce à un logiciel qui pourrait comprendre toutes les jurisprudences.

* HEC Alumni est le réseau des 56 000 diplômés des formations d’HEC Paris (Ecole des Hautes études commerciales de Paris), dont 8 000 (de 107 nationalités) vivent hors de France.
** Compagnie nationale des experts de justice en informatique et techniques associées.
*** Le CEPD est une autorité de contrôle indépendante, qui veille à ce que les institutions et organes de l’Union européenne respectent leurs obligations en matière de protection des données.
**** En français, apprentissage automatique.

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