Difficile, de façon concrète et pratique, de définir le capital immatériel. « Il n’y a pas de réponse universelle », explique GillesLecointre, invité du rendez-vous Cefim du 15 septembre dernier. Ce conseil en stratégie de PME, créateur du modèle Valentin® (méthode de valorisation), enseignant à l’Essec** et auteur de plusieurs ouvrages, sait de quoi il parle. De par son expérience, il a appris à repérer les principaux fondamentaux. Et établir un lien entre certaines valeurs qualitatives et la valeur d’une société. Au départ, la chose n’est pas aisée car, comme il aime à le rappeler, « que peuvent valoir des entreprises qui n’ont pas de rentabilité alors que la plupart des méthodes d’évaluation s’appuient sur ce critère ? ». Pourtant, lorsque l’on parle à une personne d’une structure, on ne commence pas par ses chiffres, mais bien par parler de son activité, de sa spécialité. « Au commencement de l’entreprise, il y a le capital immatériel », affirme GillesLecointre.
Les critères décisifs
Reste à choisir les bons critères pour définir au mieux ce dernier. Pour Gilles Lecointre, pas de doute, il s’agit notamment « du nom, de la marque, de la notoriété, de l’image, du métier, des produits, du savoir-faire, de la clientèle (nombre, fidélité, concentration), de la puissance commerciale (zone de chalandise etc.). Mais aussi de l’état des relations avec la concurrence, du type d’organisation, du capital humain (attachement, qualification, climat social), du potentiel. Et de la personnalité du dirigeant-propriétaire. » C’est ainsi que ce spécialiste de la valorisation d’entreprise avance : « le bon dirigeant, c’est celui qui prend des vacances ».
Avec tous ces critères qui permettent de dresser un bon état des lieux du capital immatériel, il a ensuite bâti une classification. « Le capital immatériel permet de classer la qualité des entreprises de 0 à 20. » Un mélange de tous ces critères permet ainsi d’obtenir une image synthétique de ce qu’est le capital immatériel. Le constat est là : beaucoup de sociétés sont classées entre 8 et 12. Il y a, comme dans beaucoup de domaines analysés, de la diversité. Le capital immatériel permet de distinguer quatre groupes d’entreprise : la jeune garde montante, la vieille garde descendante, les « tradi performants », les résistants.
Capital immatériel et impact sur la croissance
Mais Gilles Lecointre va encore plus loin puisqu’il établit une relation quantitative entre le capital immatériel d’une entreprise, sa croissance et sa rentabilité. A force de comparer les chiffres du capital immatériel d’une entreprise et son taux de croissance, il a observé un phénomène tout à fait intéressant : « En fonction de la note du capital immatériel, le taux de croissance n’est pas le même. Il y a une corrélation entre ces deux données. Concrètement, il y a une incidence de certains critères sur le taux de croissance. » A titre d’exemple, selon le climat social observé dans l’entreprise (de détestable à très bon), « il y a un écart de 6,2 points sur le taux de croissance ». Même constat pour la rentabilité d’une entreprise.
Intégrer le capital immatériel au calcul financier
Gilles Lecointre n’a pas hésité à créer son modèle de calcul fondé sur un diagnostic intégrant variables financières et immatérielles. « Sinon, il est possible d’obtenir trois prix différents alors que le bilan patrimonial est le même. La finance ne suffit pas », insiste-t-il.
Sa méthode se nomme Valentin®. Pour lui, pas de doute, « il est temps d’introduire le capital humain dans le bilan. C’est une révolution comptable. Le frein ne se situe pas au niveau technique - on en fait une dette -, mais c’est une question de volonté. »
* Le syndicat des professionnels des fusions et acquisitions.
** Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales.