Un procès peu commun s’est tenu à Aix-en-Provence ! Dans le rôle du président, Me Olivier Quesneau, avocat. Dans celui des assesseurs, Me Josianne Chaillol et Catherine Jonathan-Duplaa, anciens bâtonniers. Me Philippe Klein, bâtonnier d’Aix-en-Provence joue celui du procureur. Maître Deuvre, avocat de la défense commis d’office, est quant à lui incarné par Me Alain Baduel. Enfin, dans le rôle de l’accusé, un bloc de béton, Pierre Agglo !
Voilà pour le casting de la parodie de procès qui s’est déroulée devant le Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence. Le but très ciblé étant de dénoncer la construction non aboutie du nouveau bâtiment. Le TGI étant aujourd’hui dispatché sur deux sites distants de 3,8 km. Un procès auquel ont participé des avocats, des huissiers, des élus (Maryse Joissains-Masini, maire d’Aix-en-Provence, avait même revêtu la robe). Le tout sous la surveillance de policiers qui, en arrivant, ont dit qu’il fallait bien une police d’audience, et de gendarmes. Pas de magistrat présent, certainement en raison du devoir de réserve auquel ils sont soumis, mais du monde derrière les vitres du TGI.
Humour et vérité
Le ton de ce procès était donné dès le début par le « président » du TGI : « Je vous rappelle qu’il s’agit d’une audience publique. Il est donc recommandé d’allumer vos téléphones portables, de prendre des notes, d’enregistrer ou de filmer. Il s’agit d’un dossier important et grave, qui est ancien (44 ans) et pourtant pas encore prescrit. Il concerne monsieur Pierre Agglo ici présent, né en 1972, ici même à la maternité de la clinique de l’Espérance, sur lequel pèsent les liens de prévention suivants : promesse non tenue de la réalisation du TGI d’Aix-en-Provence, manœuvres dilatoires pour éviter sa construction, passe-passe budgétaire réitéré ».
Depuis 1972
L’avocat, pardon, le président, a rappelé une partie du passif judiciaire chargé : 1972, achat du terrain et promesse de démolition. 2005, décision de construire le tribunal non respectée. 2009, livraison du bâtiment Pratési et « enfumage ». 2013, démolition « de la maternité » et nouvel espoir déçu. 2014, suspension définitive du projet. S’adressant à l’avocat de Pierre Agglo qui demande un renvoi, il insiste un peu plus : « Etes-vous avocat désigné ou gratuit ? Pardon, commis d’office ? Je crois que personne ne s’est manifesté pour assurer la défense de l’accusé ». Réponse de maître Deuvre : « Je suis évidemment commis d’office en état de l’impécuniosité de mon client ! ».
Les motifs du renvoi
L’avocat de la défense a évoqué un élément nouveau : « L’engagement écrit du prévenu dont le passage qui nous intéresse est : "j’ai le plaisir de vous informer que, grâce aux moyens que le gouvernement a pu dégager en 2016 et qui se poursuivront en 2017, les études relatives à cette opération vont reprendre à la fin de l’année 2016 afin de permettre la mise en concurrence des entreprises qui seront chargées des travaux en 2017 (…)". Mon client s’engage à revenir devant votre juridiction à la date que vous déterminerez, afin de pouvoir vérifier si ces promesses ont été tenues ». Le procureur s’est aussitôt exclamé : « C’est un scandale ! Je m'oppose avec force à cette demande de renvoi qui constitue une énième manœuvre dilatoire ». Et de poursuivre : « De qui se moque-t-on ? Combien de promesses ou d’engagements déçus faudra-t-il encore faire subir aux 750 000 justiciables du ressort, ainsi qu’aux 62 communes concernées (sur les 119 que compte le département) ? Comment puis-je croire un accusé qui dépense aussi peu pour la justice, et par habitant, que la Lettonie ou la Géorgie ? Les promesses n’engagent que ceux à qui elles sont faites ».
Après délibération, il est décidé d’accéder à la demande de renvoi. Ce qui n’empêchera pas le tribunal de garder un œil sur les agissements de Pierre Agglo et d’assortir ce renvoi d’un contrôle judiciaire dont la mission est d’ores-et-déjà confiée au barreau d’Aix-en-Provence. Avant de lever l’audience, le président a annoncé : « Cette date de renvoi sera celle de la première audience solennelle utile du mois de janvier 2017 ».
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