Le climat actuel met les trésoriers et les directeurs financiers sous pression. Dans les six derniers mois, la volatilité sur les taux de change a fragilisé les marges des sociétés. Dans un cadre plus large, les trésoreries ayant des excédents de liquidités en euros sont aussi dans l'expectative tant que les taux courts sur la zone euro resteront négatifs. Enfin, s'ajoute à cela une réforme sur le remplacement du Libor*, taux référence de la majorité des instruments financiers.
La trésorerie c'est quoi ? Et cela sert à quoi ?
La trésorerie est située dans le département finance, non pas comme une extension de la comptabilité mais comme une fonction distincte intervenant dans les prises de décision relatives aux aspects financiers, comme la gestion du risque de change et de liquidités. La trésorerie, c'est aussi la fonction qui est en lien permanent avec les banques mais aussi avec les fonctions internes assurant la paie, les paiements fournisseurs, car elle intervient stratégiquement dans le pilotage du besoin en fonds de roulement.
C'est donc sans grande surprise que lors de nos rencontres avec des trésoriers d'entreprises françaises, quatre grandes préoccupations ressortent :
- gestion du risque de liquidité et de financements ;
- gestion des risques de change ;
- gestion des risques de fraude ;
- transition technologique et digitale.
Que faire ? Visibilité et contrôle de la liquidité
Avoir de la visibilité sur ces positions liquides et par devise est un facteur clef de succès pour assurer sa bonne gestion de la trésorerie. Les trésoriers ont un choix important de solutions pour atteindre ce résultat (plateformes bancaires, outils dédiés). Une fois le bon niveau de visibilité atteint, les trésoriers peuvent mettre en place une centralisation, cash pooling** par exemple, afin de faciliter la remontée des flux vers un compte central. Cela permet de concentrer une position nette qui sera soit investie, soit utilisée, pour venir diminuer un montant de dettes. Les techniques de cash pooling ne s'appliquent que sur des entités du groupe détenues à 100 % et sont régies par des conventions.
Comme énoncé en introduction, les choix pour les investissements sont assez limités en termes de rendement du fait d'intérêts négatifs sur la zone euro. Néanmoins, les sociétés de gestion d'actifs et les banques sont en mesure de proposer des produits alternatifs afin d'améliorer un rendement quasi nul à court terme. Il est important de souligner que tous les produits ne sont pas sans risque et qu'une bonne compréhension des actifs sous-jacents est nécessaire avant d'y souscrire.
Si les banques sont les principaux « financeurs » de l'économie, il est bon de remarquer un accroissement de financements désintermédiés*** qui permettent d'utiliser ces excédents de trésorerie avec un rendement bonifié par rapport à un placement classique. C'est le cas par exemple avec les programmes de reverse factoring**** collaboratif et l'accès au marché des titres de créances négociables.
Sur les aspects gestion du risque de change, les trésoriers suivent un processus en quatre étapes :
- identifier la source d'exposition à la devise ;
- mesurer cette exposition aux bornes des autres expositions du groupe ;
- gérer cette exposition à travers la mise en place d'un instrument financier qui viendrait en couverture ;
- comptabiliser cette exposition pour refléter les effets attendus selon les récentes évolutions de normes françaises et internationales.
Malgré une bonne compréhension des enjeux et un processus bien appliqué, la fiabilisation des positions reste complexe : les raisons en sont plurielles mais la plus fréquente est le manque de fluidité de l'information entre la trésorerie et les autres fonctions de la société.
Sur la fraude
Sans tomber dans l'excès d'un plan de prévention lourd et fastidieux, une analyse rapide peut être effectuée sur trois axes :
- une sensibilisation de tous les services ;
- une formalisation des pratiques en vigueur et de leurs évolutions ;
- un bon dosage entre la culture du « zéro-erreur » où chacun est responsabilisé sur ses actes et la bienveillance envers la personne ciblée par la fraude.
Sur la transition technologique et digitale
La digitalisation au sein des services de trésorerie a débuté depuis un certain nombre d'années mais la vitesse de ce virage technologique s'est accélérée de manière exponentielle. La trésorerie du futur reposera sur l'efficience du traitement des données (big data), les moyens de paiement innovants et certainement les apports de la sécurité des blockchains.
* Le Libor est une série de taux de référence du marché monétaire de différentes devises. Son nom a été formé à partir des initiales de la dénomination anglaise : London Interbank Offered Rate, c'est-à-dire en français taux interbancaire pratiqué à Londres.
** La technique du cash pooling est un système qui permet la gestion centralisée des comptes des filiales d'un même groupe. Le système permet d'optimiser la gestion de la trésorerie des différentes filiales, de visualiser en un clin d'œil leurs besoins et leurs excédents de trésorerie, et d'optimiser les frais financiers généraux.
*** Le financement désintermédié désigne celui qu'une entreprise se procure sans recourir au service d'un intermédiaire (banques, etc.) en levant elle-même des capitaux, par exemple sur le marché financier.
**** Le reverse factoring (ou affacturage inversé) consiste pour un client à proposer à ses fournisseurs de payer leur facture comptant moyennant un escompte. Le financement des factures est assuré par une banque ou une société d'affacturage de manière anticipée. Le client paye ensuite la facture à la société d'affacturage à la date d'échéance de celle-ci.