Les Nouvelles Publications : La finance est-elle un univers réservé aux hommes ?
Marie-Laure Guidi : Même si les métiers de la finance restent encore très masculins, beaucoup de femmes ont intégré cet univers. Malheureusement, elles sont encore peu nombreuses à accéder à des fonctions de direction. Il y a cependant quelques exceptions de taille, notamment dans notre région. Je pense à Marie Desportes qui dirige le fonds d’investissement Turenne Capital. Elle est une des rares femmes à être directrice de participation et elle fait son boulot de façon remarquable. Je pense aussi à Céline Darnet qui est la première femme qui dirige la région Sud du cabinet d’Audit PwC. Les femmes qui intègrent les cursus scolaires liés à la finance obtiennent globalement de très bons résultats. Fréquemment, par choix personnel, souvent lié à l’aspect familial, beaucoup décident de ne pas donner la priorité à leur carrière. Dans l’expertise-comptable, par exemple, il y a énormément de collaboratrices comptables. Elles ont de très bonnes performances au niveau des diplômes et font pourtant le choix d’être salariées plutôt que de prendre des postes de direction ou de créer leur cabinet.
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Comment expliquez-vous ces barrières que se mettent les femmes ?
C’est avant tout une question d’éducation, de culture. C’est vraiment un sujet d’actualité. De nombreuses actions sont menées, mais je pense que nous sommes toutes et tous sujets à des biais cognitifs qui font penser aux femmes qu’elles ne sont pas faites pour ça. Chez BPW, nous travaillons beaucoup sur ce sujet et nous constatons, entre autres, que les femmes entrepreneures demandent quasi systématiquement la moitié des fonds demandés par un homme pour un même projet. Est-ce une question de confiance ? de prudence ? Il m’est difficile de répondre à cette question, mais c’est ancré dans une espèce d’inconscient collectif contre lequel il est difficile de lutter. Il faut donc vraiment agir et mettre en place des actions pour que les femmes se rendent compte qu’elles n’ont pas à se mettre des barrières. Pas plus qu’un garçon !
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Quels sont les postes privilégiés par les femmes exerçant des responsabilités ?
Elles sont très présentes dans la banque. Beaucoup plus que dans les cabinets d’audit. La profession bancaire s’est féminisée dans une proportion qui ne doit pas être loin de l’équilibre. On les retrouve à des postes de directrices de secteurs, d’agences, etc. Pourquoi est-ce plus facile dans la banque ? Peut-être parce que ce sont de grandes entreprises qui respectent la loi sur l’égalité, la parité. Il ne s’agit pas d’une profession libérale. On est sur du salariat et, effectivement, il n’y a pas les risques liés à la création d’un cabinet d’audit ou d’expertise-comptable où on peut être amené à hypothéquer sa maison, faire prendre des risques à sa famille, etc. Je pense que les femmes ont moins d’appétence à ce type de difficultés potentielles. Et il y a aussi la maternité, même si désormais il existe le congé de paternité pour les hommes qui permet de limiter la discrimination dans les postes.
Comment les femmes assument-elles les responsabilités ?
Lorsqu’elles occupent des postes importants, ça fonctionne. Elles assument et ne font vraiment pas moins bien que les hommes. J’ai coutume de dire qu’un entrepreneur, qu’il soit homme ou femme, est avant tout… un entrepreneur. Donc, diriger une entreprise, c’est la même chose, quel que soit le sexe. Les femmes ont certainement un éclairage, un regard différent. D’ailleurs, c’est la mixité qui fait la richesse des entreprises. Et c’est aussi le reflet de la société civile, composée d’hommes et de femmes. Ce qui est certain, c’est que, très souvent et même lorsqu’elles sont excellentes, il faut qu’elles prouvent leur valeur. Elles doivent démontrer beaucoup plus d’envie de réussir, de s’imposer et de qualités qu’un homme. Pourtant, nous sommes faits pour vivre ensemble et non en opposition. Il faut que chacun, homme ou femme, puisse trouver sa place et son bien-être dans l’entreprise et se rendre au travail sans avoir la boule au ventre. Dans la région, nous avons la chance d’avoir une présidente de l’Ordre des experts-comptables, Colette Weizman, qui est très engagée sur ce sujet féminin, et avec laquelle nous avons signé la charte « Bye bye sexisme » de BPW afin de contribuer à faire changer les mentalités.