Emmanuel Macron est attendu à Marseille ce vendredi soir. Avant sa rencontre avec le pape, demain samedi, un discret repas politique est organisé en petit comité. Il y sera question du suivi du Plan "Marseille en Grand". Lors de sa visite à Marseille, en juin dernier, le président avait fait un certain nombre d'annonces...
Ensuite, place à une séquence symbolique, historique et surtout politique, pour le président de la République. Cela fait plus de 40 ans qu'un président français n'a pas assisté à une messe papale... Pourquoi cette participation, à la messe, qui a soulevé l'indignation de la gauche ? Quel message veut faire passer le président ? Et quel est son rapport à la religion ? Emmanuel Macron tutoie le pape et va se rendre à sa messe géante au Vélodrome. Pour autant, Emmanuel Macron a un rapport complexe, voire intellectuel, à la religion, sensible à la "transcendance", sans s'afficher en catholique pratiquant.
Un président à une messe papale
Un président de la République à une messe papale ! C'est la première fois depuis Valéry Giscard d'Estaing en 1980 qu'un président français assiste à une messe papale. Un précédent lointain, à tel point que l'entourage d'Emmanuel Macron en a invoqué un autre, plus récent mais aussi plus curieux, en rappelant qu'il était allé à la "messe d'obsèques" du chanteur ultra-populaire Johnny Hallyday en 2017.
"C'est ma place d'y aller" : le chef de l'Etat a balayé la polémique lorsque l'Elysée a annoncé qu'il assisterait samedi à la messe célébrée par François au stade Vélodrome de la cité méditérranéenne. "Je n'irai pas en tant que catholique, j'irai comme président de la République qui est en effet laïque" avait-il insisté. Son déplacement et celui du pape mettent la ville de Marseille sous très haute surveillance.
La réaction de la gauche
La gauche s'est indignée d'une atteinte à la laïcité, voire d'une "manoeuvre clientéliste" à destination de l'électorat catholique. Qui intervient alors que le chef de l'Etat venait d'endosser une interprétation intransigeante de ce principe très français, en promettant d'être "intraitable" pour interdire à l'école l'abaya, ce vêtement long porté par certaines musulmanes. Il a déjà été accusé par le passé d'avoir une conception fluctuante et à géométrie variable de la laïcité. Son discours inédit devant la Conférence des évêques, en 2018 au collège des Bernardins à Paris, avait notamment suscité la controverse.
Reconnaissant se faire une "haute idée des catholiques" pour des raisons "biographiques, personnelles et intellectuelles", il avait dit vouloir "réparer" le "lien entre l'Eglise et l'Etat", "abîmé" notamment par le bras de fer sur le mariage homosexuel. Et il avait plaidé pour que "la sève catholique" contribue "encore et toujours à faire vivre notre Nation".
Le sujet des migrants soulevés par le pape
La gauche interpelle également le président sur le sujet de l'immigration. Elle demande à Emmanuel Macron d'écouter le discours du pape sur ce sujet. Ce dernier va rencontrer à Marseille des migrants passés par Briançon. L'association SOS Méditerranée espère également que "le message très fort" du Pape sur les migrants va être entendu.
La tradition de présidents croyants
Sous la Ve République, "il y a une tradition de présidents catholiques, croyants et même pratiquants", du général de Gaulle jusqu'à Nicolas Sarkozy, nuance l'historien Jean Garrigues, jugeant exagérés les soupçons d'atteinte à la laïcité. Pour lui, la filiation d'Emmanuel Macron à cet égard serait à chercher plutôt du côté de son prédécesseur socialiste François Mitterrand, qui disait croire "aux forces de l'esprit". Le chef de l'Etat, baptisé à sa demande à l'âge de 12 ans dans la foi catholique, a fréquenté La Providence, un établissement scolaire jésuite d'Amiens (nord).
Aujourd'hui, celui qui fut l'assistant du philosophe protestant Paul Ricoeur et qui invoque volontiers l'universalisme des Lumières se définit comme agnostique, avec la part de questionnement que cela implique. "Au fond, il est dans la situation de beaucoup de Français qui doutent", relève Jean Garrigues. L'historien évoque un "rapport intellectuel à la religion, une vraie interrogation philosophique", qui diffère du registre "émotionnel d'un fidèle".
Macron et la religion ?
Macron et la religion ? "C'est complexe", confirme un conseiller. "Il a besoin de transcendance", "c'est ce qui le fascine dans la religion", ajoute un proche qui a appris à décrypter sa pensée. Dans un texte publié en 2021 dans L'Express, le chef de l'Etat affirme que "la science et Dieu, la raison et la religion" peuvent "vivre côte à côte, parfois même se nourrir". "Cela est même souhaitable tant aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous", ajoute-t-il.
Emmanuel Macron a ouvert la procréation médicalement assistée aux couples de femmes, mais il se veut très prudent sur les évolutions sociétales qui risquent de brusquer cette "part catholique de la France" dont il dit chérir l'apport. "Le pape sait que je ne ferai pas n'importe quoi", confie-t-il après avoir évoqué il y a un an l'épineux sujet de la fin de vie avec François, profondément hostile à toute forme d'euthanasie.
Les militants d'une "aide active à mourir" s'inquiètent dès lors d'une "ambiguïté" à l'égard de la religion, selon le terme de l'homme politique Jean-Luc Romero-Michel, et le soupçonnent d'avoir repoussé le projet de loi annoncé pour ne pas froisser le pape.
Un pape qu'il tutoie, et qu'il aura donc vu à quatre reprises en tête-à-tête depuis 2017, après leur entretien prévu samedi à Marseille. "Priez pour moi", avait demandé l'an dernier l'ecclésiastique argentin au couple présidentiel. "Je prie pour vous tous les jours", avait répondu Brigitte Macron.
Retrouvez notre dossier complet sur la venue du pape à Marseille.