Si vous aviez pour habitude d'aller à la Friche la Belle de Mai, à Marseille, pour acheter les derniers roulements pour votre planche de skate ou shopper le dernier tee-shirt "from USA" de chez Carhartt ou Volcom, vous repartirez les mains vides. En effet, depuis ce dimanche 8 octobre, le Bud skateshop a baissé son rideau définitivement. Laurent "Momo" Molinier, 49 ans, gérant (et skater) de cette boutique installée à la friche depuis dix ans, nous explique pourquoi.
Les Nouvelles Publications : Pourquoi le Bud skateshop de la friche la Belle de mai a-t-il dû fermer ses portes ?
Laurent "Momo" Molinier : Cet été, quand j’ai vu le nombre de touristes en hausse dans le centre-ville de Marseille et qu’il y avait moins de fréquentation à la friche, je me suis posé des questions. C'est vrai qu'à part la salle d’exposition, quelques évènements, il n’y a pas grand-chose pour attirer du monde ou garder ceux qui viennent jusqu'ici. Même l'été, le cabaret aléatoire met sa programmation en pause. Lorsqu'il a fait super chaud, on aurait pu aménager le lieu pour le rendre plus agréable, avec des jeux d’eau pour les gamins. J'ai essayé d’en parler aux dirigeants de la friche, d'apporter des solutions, des idées pour rebooster le site…en vain. Et ça a été la cata quand on a installé 200 vélos en libre-service devant l’entrée du magasin…
Honnêtement, la friche ne partageait pas nos évènements sur leurs réseaux. On n'était pas aidé. Les heures d’accès du toit terrasse étaient en décalage avec les horaires d’ouverture de notre magasin. Le loyer devenait trop cher. J’ai trouvé qu’il n’y avait pas de reconnaissance, pas de soutien de leur part. Avec le magasin, je faisais quand même vivre les lieux en y organisant de événements, en invitant des skateurs mondialement connus, en ramenant du monde. On a même eu Jul qui y a tourné un clip, eu un shooting photo avec l'OM.
A cela, s’ajoute une insécurité dans le quartier qui devient pesante, des clients qui se sont fait casser les voitures, pas de transports en commun faciles à prendre pour venir à la friche...Tout cela m’a franchement pesé et j’ai pris la décision, à contre cœur, de fermer le shop tout récemment.
Quelle est l'histoire de Bud skateshop ?
Au Bud skateshop, on vend des planches, des accessoires, des baskets, des fringues qu’on ne trouve pas ailleurs, en exclusivité. Mais c’est aussi et surtout un lieu où l’on conseille, où l'on vient parler de skate pendant des heures. Je suis à la friche depuis 2010, j’y ai d’abord enseigné le skateboard.
Je connais du monde dans le milieu du skate et j’avais un ami, propriétaire du Bud skateshop de Rouen qui souhaitait ouvrir un shop à Marseille. En 2013, lors de la restructuration de la friche, à l’occasion de Marseille Provence 2013, j’ai proposé d’ouvrir un magasin, car je me suis aperçu qu’il n’y avait plus de "vrais" skateshop chez nous. A l'entrée de la friche, il y avait ce local de 200 m2 disponible, avec une sortie indépendante (qui m'a également permis de faire du clic and collect pendant la période Covid).
On y a installé une mini rampe, on y abritait des cours de skate lorsque le temps n’était pas terrible. Cela a fait du bien au quartier, on apprenait a skater aux minots du quartier en prêtant des vieilles planches… On a même aidé des petits qui arrivaient du bled et aujourd'hui ce sont des skateurs qui font des compètes, qui sont à fond !
Depuis, nous avons un autre magasin dans la cité phocéenne, rue Beauvau, près de l’Opéra, que l’on a ouvert après la période Covid. Après avoir eu vent que des Parisiens souhaitaient implanter un skateshop à Marseille, on s’est dit qu’il fallait qu’on s’installe en centre-ville, pour palier l’éventuelle concurrence.
Nous avons également un magasin à Rouen, à Caen, à Carcassonne, à Montpellier, un (désormais) à Marseille, et un à Barcelone où l'on a racheté un vieux magasin de skate qui tourne bien, le "Amigos skate shop".
La friche, super spot de skate, c'est fini ?
J’ai très peur pour l’avenir du skate park. Je n'ai rien à dire sur les cours de l’asso Board Spirit Marseille (BSM), ils sont au top. Mais concernant la structure pour rouler, qui est assez étroite, s’il n’y a pas un minimum de surveillance, de règles à respecter, ça va vite devenir n’importe quoi. Par exemple avec les trottinettes. Plutôt prisées par les petits, la cohabitation avec les skateurs peut être très dangereuse. On risque d’avoir des accidents et des incidents entre jeunes. Comme j’étais là depuis longtemps, et que j’avais ce rôle de grand frère, tous me connaissaient, je réussissais à maintenir un cadre. Maintenant…
Quels sont tes projets ?
Je vais pouvoir enfin être plus présent au magasin de l’Opéra, pour accueillir et conseiller. J’aimerais également ouvrir le dimanche, comme je le faisais à la friche. Le dimanche, la clientèle est différente, on est dans une toute autre ambiance.
J’ai aussi organisé tellement d’événements à la friche que j’ai envie d’en programmer ailleurs. Par exemple, avec la boutique voisine Frap Store, qui propose de l'upcycling, des vêtements de créateurs, organise des “open mike”... Ou lancer quelque chose avec Redbull, avec des artistes hip-hop…. Mais aussi à la Plaine, qui commence à être un spot pour skater super connu dans le monde, ou sur l’esplanade de la Major. Pouvoir poser des modules éphémères (ou pas) sur le cours d’Estienne d’Orves, faire vivre les places publiques, dans l’esprit de République à Paris…Le skate ça vient de la rue. J’ai appris à Marseille, en bas de chez moi, dans la cité.
Toute cette semaine, Momo va continuer de vider le magasin de la friche. Ce samedi 14 octobre, de 14 h à 23 h, il laissera les clés de son local, pour accueillir la sortie de "Marseille Envahit". Un livre dédié à 20 ans de graffiti marseillais. L’évènement proposera la vente du livre, une exposition, des démos de graff en direct, un open mic suivi d’un concert de hip-hop et d’un Dj sets. Plus d’infos par ici.