Il y a encore quelques jours, l’escale Borely, sur les plages de Marseille prenait des airs de côte bretonne. Ciel chargé de pluie, transats empilés, parasols fermés, difficile d’imaginer que l’été s’apprête à pointer le bout de son nez. D’autant que planait ici l’incertitude sur la saison à venir. « Il paraît qu’ils veulent supprimer les plages privées pour préparer les JO, c’est n’importe quoi ! », pouvait-on entendre aux abords des terrasses qui longent le littoral du Prado. La rumeur d’une possible fermeture des espaces commerciaux sur la plage s’était propagée à vitesse grand V, laissant les Marseillais, friands de l’escale Borely, dans l’incompréhension.
Sept espaces ensablés, jonchés de transats y sont déployés tous les étés. « Imaginez le manque à gagner pour les établissements ! », balance Julien, assis à la terrasse de l’Equinoxe. Mais alors que la rumeur continuait de germer, les restaurateurs étaient déjà sur tous les fronts pour éviter « une interdiction qui n’aurait de sens pour personne », comme le souligne Fred, co-gérant de ce restaurant et de sa plage privée. Pour comprendre ce bric-à-brac informationnel, il faut revenir aux prémices.
Remonter l’emplacement des plages privées
Depuis plus de 30 ans, l’Etat a fait concession du site à la Ville de Marseille, qui elle-même a confié les rênes à la Sogima, société de gestion immobilière de la ville. Tout roulait jusqu’à présent comme sur des roulettes, sauf que, la convention conclut entre la Sogima et les commerçants est depuis devenue caduque et les précédents élus ne l’ont pas prolongé à temps. « Une bande de sable où s’exerçaient des activités commerciales étaient donc devenue une sorte de no man’s land. On s’est alors retrouvé face à un hic administratif qu’il a fallu rapidement lever », indique Hervé Menchon, adjoint au maire de Marseille, en charge du dossier.
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Conscient de l’importance de ces espaces et des enjeux qui endécoulent, l’équipe municipale s’est alors mise à pied d’œuvre pour trouver un consensus entre les trois parties : la Ville, les commerçants et la Sogima. « Aujourd’hui, on peut le dire : il a été trouvé et on est très satisfaits du bien fondé des décisions qui ont été prises », se réjouit Hervé Menchon. La fameuse bande de sable, perdue dans un vide juridique, ne pourra donc plus accueillir de transats ou autres objets de farniente. « En fait, nous allons remonter l’emplacement des plages privées et donc ajouter du sable, en grain de riz (comme partout sur les plages du Prado), là où il n’y en avait pas afin que les plagistes puissent quand même bénéficier de cet espace commercial. On leur propose d’exercer leur activité sur le périmètre de la Sogima. Nos équipes s’occupent actuellement d’un emplacement par jour. L’ouverture aura bien lieu le 1er juin, comme convenu », déclare l’élu, serein.
Les plages privées sont un gage de sécurité pour les femmes
Un compromis qui ravit les fidèles du "rosé, salade, transat de l’été", comme Françoise, pour qui c’est le plaisir de la semaine que « de venir se détendre sur une plage privée en toute sécurité ». La sexagénaire aurait été bien embêtée de ne pouvoir se reposer « sans avoir à regarder à droite à gauche, à avoir constamment peur qu’on me vole », comme elle le témoigne. D’ailleurs, Fred, le co-gérant de l’Equinoxe en est convaincu : « Les plages privées sont un gage de sécurité pour les femmes », qui correspondent à 80 % de sa clientèle l’été. « Et puis, c’est convivial. On n’est pas sur la Côte d’Azur ; ici pour 25 euros vous pouvez manger, boire un verre et profiter d’un transat toute l’après-midi ».
Le restaurateur, ses lunettes de soleil vissées sur la tête, imagine, confiant, la future plage qui se dessinera dans les prochains jours sous ses yeux. « En à peine un mois tout le monde a compris qu’il fallait les préserver ces lieux privés. On a trouvé une solution, tout le monde est satisfait », ajoute Fred, avant de vaquer à ses occupations de patron. De son côté, Hervé Menchon est convaincu qu’il s’agit de la première pierre à l’édifice, « pour améliorer l’urbanisme, les transports mais aussi et surtout respecter l’environnement de l’escale, au devenir vieillissant ».
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Viser le pavillon bleu
La question du transat a donc laissé éclore de nouveaux projets, tous en pourparlers dans un comité de pilotage du littoral. « C’est prometteur pour la suite. Les enjeux sont énormes, surtout l’enjeux environnemental, qui est pour moi le point prioritaire de toutes les actions que je mène sur la ville de Marseille », déclare ce membre de la commission "mer et littoral" du groupe EELV. Plus de poubelles, de bacs à tri sélectif et une plus grande pédagogie sur ces questions permettront peut-être aux plages de la citée phocéenne d’obtenir le label "Pavillon bleu", détenu par plus de 500 plages et port de France, notamment pour leur propreté.