AccueilDroit et ChiffreMathieu Jacquier, bâtonnier de Marseille : « La justice a besoin d’argent mais pas vraiment de réformes »

Mathieu Jacquier, bâtonnier de Marseille : « La justice a besoin d’argent mais pas vraiment de réformes »

Alors que sa mandature débute pour une durée de deux ans, Mathieu Jacquier, le nouveau bâtonnier de Marseille, fait face à des sujets de taille comme la grande cité judiciaire à Marseille ou les affectations de magistrats et greffiers.
« L’ensemble des acteurs de la justice est d’accord pour dire que Marseille a besoin d’une grande cité judiciaire moderne qui regroupe les différents sites éparpillés dans la ville et permettent de bien accueillir les nouveaux arrivants. »
R.P. - « L’ensemble des acteurs de la justice est d’accord pour dire que Marseille a besoin d’une grande cité judiciaire moderne qui regroupe les différents sites éparpillés dans la ville et permettent de bien accueillir les nouveaux arrivants. »

Droit et Chiffre Publié le , Propos recueillis par Caroline DUPUY

Les Nouvelles Publications : Pouvez-vous nous présenter votre bureau de bâtonnier, à la Maison de l'avocat de Marseille ? Autrement dit, quelle est votre touche personnelle dans ces lieux ?

Mathieu Jacquier : Juridiquement, je suis le nouveau bâtonnier depuis le premier janvier à 00 h 01. Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour aménager ce bureau mais je suis déjà venu avec quatre cadres que j'apprécie particulièrement : une très belle photo en noir et blanc de mains, une photo prise à Marseille comportant un regard social sur la ville et une dernière, de la plage du Prophète, non loin de là où je nage, qui met en avant le côté urbain mais aussi très nature de la ville. J’ai également accroché au mur une peinture d’une artiste de Porquerolles représentant la mer et un bateau. Enfin, la pierre posée sur mon bureau, ramassée dans un cour d’eau de la région, me rappelle d’où je viens.

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Comment s’est passée la transition avec le précédent bâtonnier du barreau de Marseille, Jean-Raphaël Fernandez ?

Depuis plusieurs semaines je l’accompagne dans certains déplacements et lors de réunions. Par exemple à la conférence régionale des bâtonniers ou à leur conférence nationale, comme le veut la tradition. J’ai été très bien accueilli. Je sais pertinemment que les difficultés de ma mission ne se rencontrent pas avant d’être bâtonnier, ni ailleurs, ni après. Ce mandat est d’une réelle intensité. Et je m’en rends déjà compte. Heureusement, je suis membre du Conseil de l’Ordre depuis 12 ans, chargé de la commission sauvegarde et solidarité. Cela me permet ainsi de bien maîtriser le fonctionnement de la Maison, ses grandes lignes.

Justement, quel est le rôle principal d’un bâtonnier, selon vous ?

L'écoute. Il doit écouter ses confrères mais aussi tous ceux qui ont quelque chose à dire aux avocats.

Quelles sont vos différentes missions dans cette nouvelle fonction ?

Je suis notamment chargé de prendre des décisions concernant la gestion de la Maison de l’avocat. Par exemple, des travaux d'aménagement de notre nouvelle terrasse doivent être entrepris. Je suis également en charge des permanences (gardes à vue, droit des étrangers etc.) Cela comprend la réalisation du planning mais aussi le paiement des avocats de garde. A Marseille, le paiement se fait assez rapidement mais mon objectif est d’être encore plus efficace, au plus près de la réalisation de la mission par l’avocat.

En tant que bâtonnier, je préside également le Conseil de l’Ordre et détermine l’ordre du jour. Il y a des sujets très importants avec des budgets conséquents comme la couverture d’assurance des avocats.

Finalement mon travail concerne toutes les décisions qui touchent à la vie et aux missions des avocats. C’est assez large alors : où se place le curseur, me direz-vous ? Cela dépend de l’époque, du Conseil de l’Ordre, du bâtonnier, de la confiance que les gens lui accordent etc. Il y a aussi des missions moins connues comme le fait que lorsqu'il y a un problème sur les honoraires, le bâtonnier a un pouvoir de taxation. Il a aussi un pouvoir déontologique et disciplinaire. Je suis un père bienveillant qui se doit d’être vigilant.

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« Le but final étant que le quotidien des avocats soit meilleur et que la semaine de travail se déroule avec plus de sérénité. » (Crédit : R. Poulain)

Vous devez aussi tout faire pour que la profession soit bien représentée, connue et reconnue, n’est-ce-pas ?

La représentation de la profession fait évidemment partie de mon travail de bâtonnier. Je me dois d’avoir un côté communiquant. En tant que bâtonnier et en tant qu'avocat. Qu’il s’agisse du grand public, de la presse, ou bien entendu auprès des différentes institutions dont la première est le tribunal avec ses magistrats et les greffiers, nos premiers interlocuteurs.

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A ce sujet, comment percevez-vous l’état de la justice en France ? Vous sentez-vous en accord avec les demandes des magistrats en matière d’effectifs ?

La justice est un parent pauvre de l’Etat. Quand on voit le nombre d’affaires, l’importance, au niveau social, de la justice… On se demande pourquoi on n’a pas accordé plus de place et de temps aux magistrats, greffiers mais aussi aux avocats. Aucune réforme de la justice ne marchera si de véritables efforts ne sont pas faits en termes de moyens humains. Nous avons le même objectif qu’eux : faire avancer la justice. Le danger est réel : les magistrats ont peu de moyens et beaucoup de pression. Et nous, en face, nous pointons lors des audiences, certaines défaillances ou erreurs de procédures, etc.

Que pensez-vous des nouvelles affectations pour la justice ?

Pour le moment, les nouvelles affectations sont destinées aux juridictions pénales. C’est très bien pour le pénal mais la justice du quotidien pour les français se déroule au civil (divorce, litige avec une compagnie d’assurance, problèmes de voisinage, défauts de construction etc.) Il est extrêmement grave et donc rare de se retrouver au pénal. Je trouve du reste cela problématique qu’à la sortie de l'École nationale de la magistrature, les élèves se tournent plus vers le pénal. Il y a de grands civilistes à Marseille et c’est une belle matière.

Comment réagissez-vous au plan d’action issu des Etats Généraux de la Justice annoncé le 5 janvier ?

Le garde des Sceaux souhaite augmenter le budget de la Justice, encore une fois. C’est une très bonne chose. Merci. Je tiens juste à signaler que cette hausse s’accompagne d’une réforme d’ampleur qui va mécaniquement absorber une partie de cette somme. Sans parler de l’inflation qui court. La justice a besoin d’argent mais pas vraiment de réformes. Il faut qu’on nous laisse un peu tranquille et que les gesticulations s’arrêtent.

Également dans l’actualité de ces derniers jours, vous venez de lancer une motion contre le guichet unique des entreprises. Qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Nous avons souhaité alerter le gouvernement pour qu’il réagisse rapidement. En effet, dès son lancement le premier janvier 2023, la plateforme du Guichet unique Inpi n’était pas opérationnelle. Le service a été totalement paralysé durant près d’une semaine. Le 12 janvier, date d’envoi de notre motion, nous constations encore de graves dysfonctionnements pouvant mettre en péril l’économie française et l’activité de tous les professionnels qui y contribuent, dont les avocats.

La réforme des retraites ne concerne pas la profession d’avocat, n’est-ce pas ?

Oui, pour le moment cela ne nous touche pas. Et c’est très bien. Notre régime est bénéficiaire. C’est nous qui le gérons et nous ferons tout pour qu’il le reste.

Où en est le projet de grande cité judiciaire à Marseille ?

L’ensemble des acteurs de la justice est d’accord pour dire que Marseille a besoin d’une grande cité judiciaire moderne qui regroupe les différents sites éparpillés dans la ville et permet de bien accueillir les nouveaux arrivants. Nous sommes donc satisfaits des annonces du garde des Sceaux (40 000 m2, budget de 250 M€). Mais si ce site doit être terminé dans les temps, le choix de son implantation doit être annoncé cette année, voire même, avant juin 2023.

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Mais, même si c’est nous qui passerons le plus de temps dans cette cité, nous ne faisons pas partie du processus de décision. Nous souhaitons pourtant faire entendre notre voix. Nous ferons tout notre possible pour que cette cité soit dans le centre-ville. L’impact d’un déménagement sera terrible pour les commerçants mais également pour l’immobilier du centre-ville. Car les avocats devront s'installer à proximité de ce nouveau lieu. Et ils sont 95 % à avoir des bureaux en centre-ville…

J’aimerais du reste proposer à l’École nationale supérieure d'architecture de Marseille et à ses professeurs d’urbanisme de travailler sur ce futur bâtiment ou ces futurs bâtiments. A l’image de La Cité Radieuse (Marseille) qui dispose d’appartements mais aussi de services.

Comment qualifieriez-vous le barreau de Marseille ?

C’est un barreau solidaire et dynamique avec 2 600 âmes. 54 % d’entre elles sont des femmes. Nous sommes également fiers que ce barreau accueille de nouveaux avocats, au nombre de 94 en 2022. Bref, nous sommes composés de personnalités accueillantes, à l’image de notre ville. Des avocats qui ont de plus en plus une conscience écologique. Nous devons notamment préserver notre mer, nos fonds sous-marins...

La Covid a-t-elle eu un impact sur la profession ?

Comme beaucoup de professions, nous faisons face à un problème de recrutement. Les cabinets mettent du temps à recruter. Depuis la crise sanitaire, beaucoup de monde se pose davantage de questions sur le sens de leur travail, de leur vie professionnelle ou personnelle. D'autres phénomènes expliquent ce problème de recrutement. Nos charges augmentent et parallèlement le grand public n’est pas encore prêt à voir nos honoraires augmenter. Contrairement aux médecins, il s’agit de clients et non de patients. L’époque où l’on nous honorait est révolue, nous devons apprendre à mieux nous vendre.

Cela passe par une grande solidarité entre nous. Nous accueillons ainsi les nouveaux avocats. Nous leur présentons notre famille, nos services, la Maison des avocats. Je veux que les avocats passent plus de temps, en son sein. Nous souhaitons que cette dernière, encore plus qu'aujourd’hui, soit au service des avocats. Parfois avec plus de moyens, parfois en écoutant plus les conseils ou souhaits des avocats. Le but final étant que le quotidien des avocats soit meilleur et que la semaine de travail se déroule avec plus de sérénité.

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