AccueilDroit et ChiffreMe Camille Giudicelli, une vie à défendre les autres

Me Camille Giudicelli, une vie à défendre les autres

Le bâtonnier Allegrini a remis l'insigne de chevalier de la Légion d'honneur à Me Camille Giudicelli, lors d'une cérémonie à la Maison de l'avocat de Marseille.
Me Camille Giudicelli a reçu l'insigne de chevalier de la Légion d'honneur.
D.R. - Me Camille Giudicelli a reçu l'insigne de chevalier de la Légion d'honneur.

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Il y a des cérémonies plus émouvantes que d’autres. Celle organisée en fin d’année à la Maison des avocats de Marseille, en l’honneur de Me CamilleGiudicelli, en fait partie. Cette célèbre pénaliste corse de 89 ans et résistante - elle s’est engagée à 16 ans contre l’occupation italienne -, s’est vu remettre l’insigne de chevalier de la Légion d’honneur, des mains du bâtonnierJoséAllegrini, en présence d’un grand nombre de confrères.

Le bâtonnier Fabrice Giletta a loué « l’éloquence, le courage, la sensibilité, la fidélité et la féminité » de Me Giudicelli. De son côté, le bâtonnier José Allegrini a voulu souligner « l’esprit de résistance aux oppressions, aux injustices, aux conventions, aux préjugés » de Me Giudicelli. Me Dupond-Moretti a avoué à l’assistance : « Camille est mon héroïne. Elle a résisté au péril de sa vie. »

« L’avocat, ce n’est pas une femme, ce n’est pas un homme, c’est un défenseur », a très justement déclaré Me Camille Giudicelli.

"Être avocat, c'est se ​battre"

A l’occasion de la cérémonie organisée en l’honneur de Me Giudicelli, nous avons décidé de publier quelques extraits de son discours lors de la « Journée de la robe », organisée par le barreau de Marseille en mars 2015.

« A 21 ans, j’ai prêté serment à la cour d’appel d’Aix-en-Provence où j’ai exercé pendant des années avant de m’inscrire au barreau de Marseille. Nous étions deux femmes inscrites au barreau d’Aix-en-Provence... Aujourd’hui, en France, plus de la moitié des avocats sont des femmes. La société est en marche... Elle est en marche, mais elle a eu du mal pour secouer des siècles de traditions cimentées. Nous n’en sommes plus au stade des droits de la femme et de la compétition entre les hommes et les femmes, mais de la parité et de l’égalité. La femme a encore la charge de la preuve. L’homme, lui, n’est pas dans l’obligation de titrer annuellement "la journée internationale de l’homme", pour assumer et légiférer sur ses droits. C’est pour cette raison que le barreau se penche aujourd’hui sur la robe d’avocat, et sa symbolique... Chacun la vit comme s’il l’avait toujours portée, parce que c’est un contrat de fidélité, et que notre profession est un combat permanent, en particulier à l’audience jusqu’à la théorie des risques, jusqu’à la violence de l’affrontement. »

« Autrement dit, il n’y a que des avocats ! C’est un statut, une promesse, un acte de résistance à l’adversité. Notre profession, chacun la vit selon sa vie personnelle. "On ne naît pas femme, on le devient", a écrit Simone de Beauvoir. On ne naît pas avocat, on le devient ; et l’angoisse et le doute nous accompagnent tout au long de notre trajet. Nous portons la robe, hors audience, en prorogeant notre Combat pour la Justice. C’est une lutte journalière pour énucléer les clichés, les fausses évidences, renverser les tabous et questionner les questions. C’est une passion. »

« Ma jeunesse en Corse à l’époque de l’occupation, mon père résistant arrêté, torturé, jugé par un tribunal militaire et déporté en Italie ; j’avais 16 ans. Ces événements m’ont rendue précocement adulte et responsable, en ses lieu et place. Je dois à mon père la combativité. Je dois à ma mère la tendresse. »

« A 23 ans, j’ai hérité du dossier Marcel Ythier qui avait tué deux gendarmes et en a blessé un troisième. C’est l’époque où le Code pénal titre dans un article "Tout condamné à mort aura la tête tranchée". La stagiaire est désignée par un déshérité. Je plaide avec Maître Raoul Bottai qui me dit gentiment "nous ne serons pas trop de deux". Je découvre la révolte, le droit et le devoir à la désobéissance. Le droit et le devoir à faire abroger un texte. »

« En 1968, je suis désignée dans l’affaire Guérini, cour d’assises de Paris. Je n’ai pas eu de maître de stage, mais j’ai eu pour guide affectif, le bâtonnier Raymond Filippi. L’affaire Guérini m’a révélé, s’il en était encore besoin, à la fois la simplicité et la complexité d’un dossier d’Assises : le rigorisme du Droit, la lucidité du silex pour le déchiffrer, les zones d’ombre, le diable boiteux qui ouvre le toit des maisons, l’éclat de rire et les sanglots. »

« Un avocat ne s’embourgeoise pas, et ne s’embourgeoise jamais. La robe est cadeau, toute en cadeau ! Parce qu’elle nous apprend tout en direct, de l’aventure humaine, et de la route chaotique de la vie, en amont et en aval, qui va du bonheur jusqu’à la souffrance et la désespérance la plus totale. »

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