Les Nouvelles Publications : Comment vous êtes-vous engagée à l’Union des jeunes avocats (UJA) ?
Pauline Costantini-Rabinoit : J’avais fait en 2017 un stage chez Philippe Cornet au cabinet Cornet Le Brun où j’avais rencontré Eric Arezki, qui était collaborateur là-bas. J’étais restée en contact avec lui et avec mes amis de l’école d’avocats, on participait aux événements de l’UJA Marseille. Les membres du bureau se sont aperçus que j’étais motivée et que ça m’intéressait de m’impliquer. Alors ils m’ont proposé d’intégrer le bureau lorsqu’Eric est devenu président en 2019, ce que j’ai accepté.
Même si nous sommes une profession où on est entouré de ses pairs, en même temps il y a beaucoup de solitude dans l’exercice de notre métier. Donc il est important de connaître des gens, de savoir qui appeler quand ça ne va pas et de savoir à qui on peut poser des questions. Cela permet aussi de faire corps dans un esprit de confraternité. A mon sens, c’est pour ça qu’il est intéressant de s’investir dans la profession, et a fortiori syndicalement pour défendre nos intérêts car on est plus fort ensemble, face aux autres et entre nous.
En tant que présidente de l’UJA Marseille, que souhaitez-vous impulser ?
Je veux faire en sorte de ne pas régresser car il y a eu beaucoup de bonnes choses qui ont été faites, et je veux maintenir le niveau d’adhésion au sein du groupe, d’activité du syndicat, et c’est déjà un premier chantier. Par exemple, nous sommes 14 au sein du bureau, je ne sais pas s’ils avaient déjà été aussi nombreux, et cela crée une grosse dynamique, d’autant que le groupe vit très bien. Donc il faut les garder motivés pour participer aux événements et innover.
Pauline Costantini-Rabinoit à la barre de l’UJA Marseille
Ensuite, nous allons continuer à nous impliquer dans les travaux sur la collaboration que mène actuellement le barreau de Marseille. Fin novembre, le Conseil de l’ordre a exceptionnellement décidé de faire une séance ouverte à laquelle on a assisté en présentiel avec le vice-président de l’UJA Marseille, Michaël Amas-Forcioli, ainsi que les autres présidents de syndicats et la Commission du jeune barreau (CJB), et qui était aussi ouverte en visio. Il y a déjà eu l’an dernier un sondage qui a été réalisé par la commission Collaboration du barreau de Marseille. Elle a analysé ces résultats, interrogé les personnes dans les cabinets afin d’avoir un panel représentatif pour pouvoir ensuite formuler des propositions afin de rendre la collaboration à nouveau attractive face à la pénurie actuelle de collaborateurs. En tant que syndicats, nous avons été invités à nous exprimer sur leurs propositions, notamment l’idée d’une commission paritaire en cas de questions ou de problèmes sur la collaboration afin que les parties prenantes aient un interlocuteur unique. C’est quelque chose qui manque à Marseille mais qui existe à Lyon, Paris ou Grenoble. Ce sont des motions qui ont été portées par la FNUJA [Fédération nationale des unions des jeunes avocats, NDLR] depuis une quinzaine d’années, ainsi que par l’UJA Marseille sous l’impulsion à l’époque de Julia Braunstein, et ça avait alors été refusé.
Nous avons aujourd’hui porté à nouveau cette proposition sur le plan intersyndicale avec, outre l’UJA, le Syndicats des avocats de France (SAF) et la Commission du jeune barreau. Nous attendons désormais le résultat du vote.
Comment expliquez-vous ce manque d’attractivité de la collaboration ?
C’est un phénomène qui n’est pas propre à Marseille car on l’observe dans d’autres barreaux et dont les causes sont multiples. Il s’agit tout d’abord d’une question de rémunération. L’année dernière, sous l’impulsion de Rachel Akacha durant son mandat à la présidence de l’UJA Marseille, nous avons notamment saisi l’Ordre d’une demande de revalorisation des minimums ordinaux de rétrocession d’honoraires dans le cadre des contrats de collaboration. Cette revalorisation a été adoptée par le Conseil de l’ordre, avec une augmentation de 2 000 à 2 200 € par mois la première année, de 2 100 à 2 300 € par mois la deuxième année. Le sondage, qui a reçu 600 réponses de collaborateurs et collaborants reçues dans le cadre de l’enquête réalisée auprès d’eux, a révélé que la question des montants de la rétrocession n’était pas forcément déterminante concernant l’attractivité de la collaboration puisque la plupart des collaborateurs perçoivent des rétrocessions de 100 à 200 € au-dessus du minimum ordinal.
Ensuite, depuis la crise de la Covid-19, les personnes sont en quête de sens. Donc comment faire pour que le collaborateur ait envie de s’investir dans le cabinet ? Il faut redonner des perspectives au collaborateur, rendre le travail plus agréable, à l’heure où beaucoup de confrères s’installent seuls et ne passent pas par la collaboration.
Quel programme de formations souhaitez-vous promouvoir cette année ?
On a déjà proposé une formation sur la facturation de l’avocat, qui a été animée par Thomas Tribot,ancien président de l’UJA Marseille (2020-2021) qui s’est installé assez vite à son compte, et Alejandra Lagunes, expert-comptable, afin d’avoir une approche pratique. Comment déterminer le taux horaire le plus approprié ? Comment évaluer les charges ? Il s’agissait vraiment d’une formation très pratique. L’avocat est un professionnel du droit, mais également un chef d’entreprise, un manager et un community manager donc il est important de savoir évaluer la valeur de ses prestations, sans se brader et porter atteinte à la profession dans son ensemble, en faisant du dumping par exemple.
En février, dans la série "Mon Premier", on proposera une formation sur "Mon Premier dossier prud’homal", une incursion dans le droit social qu’on ne traite pas souvent. Je souhaite qu’on propose une formation sur l’expertise construction, qui présentera quels sont les bons réflexes à avoir et comment réagir, avoir les bonnes expertises, un volet animé par Rachel Akacha et Laura Loussararian.
Cette année est aussi marquée par le retour sur le devant de la scène de la réforme des retraites. Quelle est votre position sur ce dossier ?
On s’est saisis de cette question. Cet automne, on a contacté l’ensemble des députés des Bouches-du-Rhône pour leur demander des rendez-vous afin de les alerter et de les sensibiliser. Nous devions nous rendre au Palais Bourbon le 4 novembre afin de rencontrer certains députés de la majorité mais, malheureusement, l’actualité législative les a contraints à reporter cette rencontre et nous n’avons pas encore pu trouver de nouvelle date.
Nous agissons dans l’intérêt des avocats mais aussi des justiciables, car le souci de cette réforme, c’est qu’elle va entraîner une hausse des cotisations de l’avocat, pour une allocation retraite moindre : son coût va peser sur les justiciables puisque les cabinets risqueront alors d’être contraints de refuser les dossiers moins rémunérateurs, notamment ceux de l’aide juridictionnelle.
Rappelons que nous, les avocats, nous avons un système de retraites qui fonctionne et nous n’avons pas envie d’en changer, d’autant que notre caisse de retraites autonome est bénéficiaire et que l’on reverse déjà une partie de ces excédents au régime général.
Les annonces faites la semaine passée par la Première ministre Elisabeth Borne sembleraient montrer que nous ne serions pas concernés par cette réforme, mais tant que le texte n’est pas voté nous restons prudents et donc vigilants sur ce dossier.
Marseille : l’unanimité syndicale contre la réforme des retraites